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Art contemporain : la movida à Mexico

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Mosaïque architecturale soumise à la pollution, aux tremblements de terre et à la violence, Mexico attire cependant les jeunes artistes.

Gigantesque, palpitante, Mexico est aussi depuis quelques années une scène arty ultra-vivante : artistes, musées, galeristes y rivalisent de créativité. Reportage.

Dominée par la majestueuse silhouette du Popocatépetl, Mexico la tentaculaire, capitale fourmillante aux neuf millions d’habitants (vingt pour le grand Mexico), perchée à 2 400 mètres d’altitude, défie les clichés. Au-delà de son image de mégalopole polluée et chaotique, la ville est surtout incroyablement verte, accueillante et vibrante. Forte d’une tradition artistique ancienne et puissante, elle est le théâtre d’une explosion de la scène contemporaine depuis une vingtaine d’années. Entraînée par des stars comme Gabriel Orozco et Francis Alÿs, une génération d’artistes booste la cité jusque-là penchée sur ses anciens - Diego Rivera et les muralistes. Parmi eux, Damián Ortega ou Abraham Cruzvillegas - qui a investi le hall de la Tate l’hiver dernier et expose à l’automne au Carré d’Art de Nîmes - se sont formés dans le Taller de los viernes (l’Atelier des vendredis), sorte de workshop innovant monté par Gabriel Orozco à la fin des années 1980.

Bientôt, d’autres artistes, frustrés de ne pas voir leur travail exposé dans les musées, montent des espaces indépendants, comme la Panadería, de Yoshua Okón et Miguel Calderón, désormaisfermée. La génération suivante, celle des Minerva Cuevas, Mario García Torres, Tania Pérez Córdova ou Martin Soto Climent - dont une œuvre est visible au café du palais de Tokyo jusqu’au 11 septembre -, s’impose à l’international. Dans la foulée, le marché évolue, comme le constate José Kuri, cofondateur de kurimanzutto, la plus importante des galeries de Mexico : « Quand nous avons ouvert en 1999, il n’y avait pas de marché de l’art, quatre-vingt-dix pour cent de nos collectionneurs venaient d’ailleurs. Aujourd’hui, la moitié sont mexicains. »

Kurimanzutto, star des galeries

Qui  ? José Kuri et Mónica Manzutto, le power couple de l’art à Mexico (Art Review les a classés 44es sur sa liste). Sur une suggestion de Gabriel Orozco, ils créent kurimanzutto en 1999, sous forme de galerie itinérante. Leurs vernissages sont légendaires. Très vite ils accèdent à une notoriété internationale. En 2008, ils s’installent dans leurs locaux actuels : un espace époustouflant, avec un bar et un jardin.
Quoi  ? Depuis le début, ils représentent les artistes du Taller de los viernes, aujourd’hui hyper reconnus, avec un véritable ancrage local et une veine politique. Ainsi que des artistes internationaux : Danh Vo, Anri Sala, Apichatpong Weerasethakul ou Monika Sosnowska. « Le plus difficile est devant nous : continuer à montrer qui nous sommes, rester intéressants, libres, découvrir, nous amuser, et rester dans cette dynamique sans nous laisser écraser par les responsabilités. »
www.kurimanzutto.com

Les galeries, les espaces indépendantset les musées privés - comme le Jumex, ouvert en 2013 - se multiplient. La foire Zona Maco attire les galeries parmi les meilleures du monde depuis sa création en 2002. Derrière l’historique galerie OMR et kurimanzutto, d’autres lieux ont émergé, comme Proyectos Monclova, la galerie José García ou Labor. Et de nouvelles pousses apparaissent sans cesse, comme la Parque Galería, ouverte en septembre par Homero Fernández Pedroza, 30 ans, et Ana María Sánchez Sordo, 32 ans. Très engagés,
ils ont créé cet espace pour représenter des artistes qui ne l’étaient pas à Mexico - Yoshua Okón, la star de la galerie, Allen Ruppersberg, Didier Faustino ou Camel Collective - et pour aborder des sujets sociaux et politiques.

Julieta González, directrice charismatique du Jumex

Vénézuélienne, critique, historienne, curatrice, la directrice du musée Jumex déroule un CV impressionnant. Après des études d’architecture et de design industriel à Paris – où elle décide, lors d’une exposition Beuys à Beaubourg, de se consacrer à l’art contemporain. Elle est commissaire en chef du musée Tamayo, à Mexico, avant de passer au Jumex.

Qui  ? Vénézuélienne, critique, historienne, curatrice, la directrice du musée Jumex déroule un CV impressionnant. Après des études d’architecture et de design industriel à Paris – où elle décide, lors d’une exposition Beuys à Beaubourg, de se consacrer à l’art contemporain –, plusieurs années entre Caracas, Porto Rico, New York et Londres – où elle devient associate curator pour l’Amérique latine à la Tate –, elle est commissaire en chef du musée Tamayo, à Mexico, avant de passer au Jumex.
Quoi  ? Le musée Jumex, fabuleux musée construit par l’architecte britannique David Chipperfield, ouvert en 2013, phare de l’art contemporain à Mexico. Il est chapeauté par la Fundación Jumex, qui comprend aussi la collection Jumex fondée par Eugenio López, l’une des plus importantes d’Amérique latine. La première exposition de Julieta González (El orden natural de las cosas, l’ordre naturel des choses, au printemps dernier) lui permet de montrer des pièces de la collection dans un « musée fictionnel », comme une préfiguration pointue des projets que cette intellectuelle passionnée réserve au musée.
www.fundacionjumex.org

En parallèle, les nouveaux projets pullulent. La Casa Barragán, maison musée du grand architecte Luis Barragán, s’est ouverte cet hiver à l’art contemporain avec une exposition sur le fétichisme. Les espaces indépendants comme Cráter Invertido et Bikini Wax « font énormément parler d’eux », raconte Barbara Hernandez, directrice de l’association de formation artistique SOMA. « Beaucoup de jeunes artistes viennent s’installer ici, car les coûts sont bas, il est facile de trouver un atelier, un menuisier… La ville peut faire peur, mais elle est très agréable à vivre. Tout y est possible… » Une vitalité consacrée par le New York Times, qui a placé Mexico en tête des 52 destinations à voir en 2016.

Barbara Hernandez, tête chercheuse de SOMA

Qui  ? Une Bordelaise de 36 ans, mariée à un Mexicain. Après un passage chez kurimanzutto, elle est associée, en 2009, à la création de SOMA, une association atypique. Elle en est aujourd’hui la directrice.
Quoi  ? Une initiative de Yoshua Okón, qui, constatant le manque de formation postécole d’art, souhaite un espace pour permettre aux plus jeunes d’enrichir leur cursus. Dans le comité artistique, Francis Alÿs, Carlos Amorales ou Mario García Torres. SOMA propose un programme niveau master de deux ans, plus un programme d’été intensif. Et, tous les mercredis soir, une ouverture hebdomadaire au grand public, un rendez-vous incontournable de la ville.
www.somamexico.org

"Mexico est devenu un épicentre des arts visuels"

Autre atout majeur de Mexico : son réseau de solides institutions, comme le Museo Tamayo, le Museo de Arte Moderno, ou le MUAC (Museo Universitario de Arte Contemporáneo), ouvert en 2008. Son commissaire en chef, Cuauhtémoc Medina, premier curateur associé pour l’art de l’Amérique latine à la Tate, est un observateur incontournable de la scène mexicaine. « Dans les années 1990, il y a eu un changement des pratiques, une transition entre les structures locales et le dialogue global. Il y a vingt ans, je savais exactement tout ce qui se passait ; aujourd’hui, c’est impossible. Mexico est devenu un épicentre des arts visuels qui a produit des artistes importants exposant dans le monde entier, mais aussi, et c’est peut-être plus spécifique, qui a développé son caractère local. »

En 2012, quand le musée d’Art moderne de Paris présente l’exposition Resisting the Present, la jeune scène mexicaine y aborde de façon frontale la situation politique et sociale du pays : cartels, disparus, capitalisme galopant, inégalités sociales, frontière avec les États-Unis. « De quoi pourrions-nous parler d’autre ? répond Cuauhtémoc Medina. Notre économie se développe rapidement, et en même temps nous connaissons un génocide massif et suicidaire : 120.000 tués dans les huit dernières années et 25.000 disparus. Une grande partie de la population vit sous le seuil de pauvreté et nous avons quelques-unes des plus grandes fortunes mondiales. Il est normal que ces paradoxes se reflètent dans la production artistique. La scène mexicaine est un espace créatif dans la tourmente… »

Damián Ortega, artiste au top

Il transforme des éléments ordinaires – rouleaux de cuivre, tortillas, outils, cuir, béton, etc. – en sculptures et installations poétiques qui réenchantent le quotidien. Il est partout en ce moment : une rétrospective à la Malmö Konsthall, de nouvelles œuvres au Palacio de Cristal (Madrid) et à la Fruitmarket Gallery (Édimbourg).

Qui  ? Damián Ortega, 48 ans, a commencé comme dessinateur politique pour la presse engagée avant de devenir peintre. Il intègre alors le groupe du Taller de los viernes. Dans cet environnement amical et créatif, il passe de la peinture à la sculpture en y intégrant des objets : « C’était un processus symbolique intéressant lié à la tradition, la culture, la société dans laquelle nous vivions… » Cosmic Thing, une voiture explosée en pièces détachées, le révèle à la Biennale de Venise en 2003.
Quoi  ? Il transforme des éléments ordinaires – rouleaux de cuivre, tortillas, outils, cuir, béton, etc. – en sculptures et installations poétiques qui réenchantent le quotidien. Il est partout en ce moment : une rétrospective à la Malmö Konsthall, de nouvelles œuvres au Palacio de Cristal (Madrid) et à la Fruitmarket Gallery (Édimbourg).

Pamela Echeverría, galeriste engagée

Qui  ?À 42 ans, Pamela est la fondatrice de Labor, une des galeries les plus intéressantes de Mexico – l’une des plus reconnues aussi. Depuis ses débuts comme bibliothécaire au Tamayo, en passant par la galerie OMR qu’elle a dirigée, Pamela se passionne pour les artistes qui ont des choses à dire sur l’état du monde.
Quoi ? Ouverte en 2009, Labor est présente dans les plus grandes foires. En face de la Casa Barragán, dans une belle maison d’architecte transformée en galerie, elle accueille des créateurs comme Pedro Reyes, Santiago Sierra, Teresa Margolles, Jorge Satorre ou Étienne Chambaud. « Je suis accro à leurs cerveaux », dit-elle joliment.
www.labor.org.mx

Bikini Wax, la relève

Qui  ? Un collectif de jeunes artistes de 23 à 27 ans hypercréatifs qui animent un espace. Trois d’entre eux vivent sur place : Daniel Aguilar Ruvalcaba, la star de la bande (il a exposé chez kurimanzutto), Ramón Izaguirre et Rodrigo García. Autour d’eux gravitent cinq ou six autres, dont un des fondateurs, Cristóbal Gracia. Leur but ? Montrer et discuter de l’art autrement.
Quoi  ? Les Bikini Wax n’exposent pas leur propre travail dans cet espace monté en 2013. Ils invitent deux fois par mois un artiste qui les intéresse à présenter une pièce ou à intervenir dans les lieux : l’un s’est attaqué au plafond, un autre a peint les murs, un troisième a posé un lit sur des pieds bocaux contenant serpent, araignée, scorpion… Ils ne veulent pas gagner d’argent avec le projet. Une bourse leur permet de produire certaines pièces in situ. Tout Mexico parle d’eux.
www.bikiniwax.mx

Le site arte-sur.org, fondé par Albertine de Galbert, est une mine sur les acteurs de l’art en Amérique latine.

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Plongée dans Harlem, nouveau quartier palpitant de New York

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Bye-bye Brooklyn, hello Harlem ! Le quartier emblématique de la communauté afro-américaine est devenu The place to be.

Bye-bye Brooklyn, hello Harlem ! Le quartier emblématique de la communauté afro-américaine est devenu The place to be. Depuis les années vingt, on n’avait pas vu une telle effervescence. Art contemporain, musique, théâtre, design… Les projets fusent, les loyers flambent. On y court  !

Un soir glacé de mars, après avoir parcouru les longues allées des foires de Chelsea, un groupe d’artistes, de commissaires et de journalistes remonte le long de l’Hudson vers un quartier que beaucoup d’entre eux visitent rarement : Harlem. C’est ici, au Ginny’s, un club au sous-sol du restaurant Red Rooster, que les commissaires du volet « Africa Focus » de l’Armory Show organisent ce soir-là leur célébration. Alors que des DJ mixent des sons d’afro-funk, une foule mixte et colorée – dont le galeriste sud-africain Monna Mokoena, l’artiste afro-américain Hank Willis Thomas, ou la galeriste d’origine somalienne Marianne Lenhardt - discute affaires et idées et danse allègrement. Après minuit, le club se remplit de la clientèle locale et les invités poursuivent la fête au Shrine, une boîte underground inspirée du légendaire musicien nigérian Fela Kuti, où mixent des DJ jamaïcains.

Autrefois "Mecque noire", aujourd'hui "Mecque arty"

La Jamaïcaine Renée Cox fait partie de la nouvelle vague d’artistes dont les œuvres ont la cote.

Alors que la faune artistique est longtemps restée downtown, dans les lofts industriels de SoHo, les grandes avenues de Chelsea, les galeries délabrées du Lower East Side et de Chinatown, tentant timidement quelques sauts à Brooklyn, un nouveau mouvement entraîne une migration vers Harlem, quartier autrefois connu comme « La Mecque noire », en pleine transformation.
Cet été, le galeriste-artiste star britannique Gavin Brown, connu pour ses choix avant-gardistes et ses performances radicales, a inauguré une galerie avec une exposition d’Ed Atkins. Elizabeth Dee, récente résidente de Harlem, dont la galerie installée à Chelsea depuis quinze ans représente des artistes à la mode, comme Ryan Trecartin et Leo Gabin, et qui dirige l’Independent Art Fair, a repris une grande galerie de deux étages qui fut autrefois le premier espace du Studio Museum de Harlem. Thelma Golden, pionnière de l’art contemporain africain et afro-américain, installée ici depuis quinze ans, a annoncé cette année le projet historique de 122 millions de dollars d’une extension du Studio Museum par l’architecte star David Adjaye, qui vit, lui aussi, à Harlem. La galerie Eli Ping Frances Perkins, déménagée récemment de Chinatown à la 125e Rue, fait également partie de cette nouvelle vague. Le commissaire britannique Neville Wakefield ou les artistes Ugo Rondinone (suisse), Julie Mehretu (éthiopienne) et Renée Cox (jamaïcaine) font partie de cette nouvelle scène qui accueille aussi des initiatives comme la foire d’art Flux de Leanne Stella, qui expose une centaine d’œuvres d’art dans les espaces publics.

"Harlem, c’est un état d’esprit"

La scène musicale reprend de l’énergie avec la réouverture du Minton’s, club iconique, et de salles de concerts comme le Ginny’s, le Shrine, le Silvana et le Solomon and Kuff, où DJ et musiciens organisent des soirées très courues. Après des décennies d’abandon et de pauvreté, Harlem est redevenu un quartier à la mode.
Marcus Samuelsson, dont le restaurant-bar Red Rooster ouvert en 2010 est au cœur de ce renouveau, réunit musique, gastronomie, art et histoire dans un lieu devenu emblématique. « Harlem, c’est un état d’esprit », explique le chef, qui expose ses artistes préférés sur les murs de son restaurant, et qui vit à quelques pas avec sa femme, la mannequin Gate Maya Haile. Samuelsson, né en Éthiopie et adopté par une famille suédoise, a gagné plusieurs prix prestigieux et rédigé, entre autres, un livre sur la cuisine à Harlem. « C’est encore un vrai quartier, une vraie communauté, continue-t-il. Le Red Rooster est un reflet de l’histoire, de l’art, de la musique, de la cuisine, des gens. C’est une fenêtre sur ce lieu historique. Je suis fier que mes salariés soient d’ici, que les clients puissent aller aussi au Studio Museum, à l’Apollo, au centre culturel Schomburg. Nous sommes totalement locaux. »

L'agrandissement du Studio Museum

Amanda Hunt, commissaire et associée de Thelma Golden, conservatrice du Studio Museum, pionnière de l’art contemporain africain et afro-américain.

À quelques rues de là, Thelma Golden a transformé le Studio Museum, établi il y a presque cinquante ans, en incubateur international d’artistes d’origine africaine et afro-américaine. Son programme de résidences très renommé a produit certains des artistes les plus cotés, tels Kehinde Wiley, Mickalene Thomas, Julie Mehretu ou Sanford Biggers. Golden, née dans le Queens et dont le père a grandi à Harlem, est aujourd’hui membre du comité de la Fondation Barack Obama. Elle est l’une des femmes les plus puissantes du monde de l’art. Elle ne travaille plus directement sur les expositions, mais gère la collection de plus de 2 000 œuvres, les programmes de donations et l’extension, prévue pour 2019, qui augmentera de 50 % les espaces d’exposition du Studio Museum et des résidences d’artistes. La ville de New York, entre autres sponsors, soutient avec vigueur ce nouveau projet. Le musée, dont un des rôles principaux est d’accueillir la communauté locale et les artistes noirs lors de vernissages, d’événements gratuits et d’activités pédagogiques, poursuivra cette mission publique.
Dans le premier édifice occupé par le Studio Museum sur la 125e Rue, la galeriste Elizabeth Dee expose des œuvres monumentales sur les grands murs blancs de son nouvel espace. « Je vis ici depuis presque cinq ans, et la galerie y aura une seconde vie », explique-t-elle. Dee prévoit d’élaborer des programmes pour le quartier. « Nous voulons inviter les enfants à visiter l’espace, imaginer des projets éducatifs, par exemple. Ici, la communauté est très diverse socialement et économiquement. »
Une autre ouverture importante est celle de la galerie de Gavin Brown, la plus vaste, dans une ancienne brasserie abandonnée depuis cinquante ans. « J’ai compris que downtownétait rempli de zombies. Uptown représentait un espace pour réfléchir, imaginer », confie-t-il. Brown, qui a démarré sa carrière à New York dans les années 1980, et qui expose des artistes comme Rirkrit Tiravanija, Peter Doig et Elizabeth Peyton, souvent dans des contextes inédits, est l’un des galeristes les plus influents.

Apollo theater, des amateurs très pros

Ce théâtre Art déco sur la 125e Rue, qui fut au début du XXe siècle un théâtre burlesque, est transformé en 1932 en importante salle de concerts. La programmation musicale s’adapte au nouvel esprit du quartier, qui, à la suite de la grande migration noire du Sud au Nord, change de démographie. En 1934, l’institution devient accessible aux Afro-Américains et crée la légendaire soirée Amateur tous les mercredis, qui donne naissance à des talents comme Ella Fitzgerald, Marvin Gaye ou James Brown. Le lieu sert aussi de studio d’enregistrement live pour des artistes tels Brown ou B.B. King. Ces documents témoignent de l’ambiance unique du théâtre, qui restera dans le semi-abandon après les Harlem Riots des années 1960. Désigné monument historique, il sera rénové en 1983. Aujourd’hui les soirées Amateur continuent, et de jeunes musiciens, à l’image de Jill Scott, viennent essayer d’y trouver la gloire.

Une métamorphose qui provoque la controverse

La migration de downtown vers Harlem a été encouragée par les prix de l’immobilier relativement accessibles, et une campagne de la mairie de New York et des agences immobilières a fait de ce quartier une destination désirable depuis une décennie. Cette métamorphose provoque la controverse. Le metteur en scène Spike Lee, lors d’un discours sur la gentrification qui a fait du bruit, a déploré ces changements. « Pourquoi avons-nous besoin d’un afflux de New-Yorkais blancs dans le South Bronx et à Harlem pour que les équipements s’améliorent ? » a-t-il déploré. Les critiques regrettent que ces changements ne bénéficient pas aux habitants les plus défavorisés.
« Harlem représentait jusqu’à aujourd’hui l’audace des Noirs, depuis la Harlem Renaissance qui, dès les années vingt, rassemblait écrivains, musiciens, activistes, performeurs », rappelle Sade Lythcott, directrice du National Black Theatre of Harlem et fille de la légendaire fondatrice de ce théâtre. Cette année, le théâtre, flanqué de la nouvelle galerie de Dee, célèbre ses cinquante ans. « Quand ma mère y a déménagé dans les années soixante, c’était le temps des manifestations, du mouvement Black Power et de celui de l’art noir. C’était une société utopique où nos valeurs étaient respectées », se souvient-elle.
Lythcott reconnaît que Harlem est aujourd’hui plus dynamique que lors des deux dernières décennies. Cependant, elle se plaint, comme beaucoup d’autres, d’une tension entre les anciens habitants et les nouveaux venus. « Cette gentrification n’est pas respectueuse du quartier et de son histoire. On ne reconnaît plus Harlem depuis cinq ans. Avec les prix des appartements qui augmentent, les nouveaux commerces, nous nous sentons plus vulnérables. »

Pour l’historien Michael Henry Adams, auteur du livre Harlem, Lost and Found (Harlem, perdu et retrouvé, non traduit en français), ces nouvelles dynamiques culturelles, quoique positives, amplifient les divisions socio-économiques entre Noirs et Blancs. « Ces lieux, ces projets ne sont pas créés pour les Noirs du district, constate-t-il. Ils seront, comme ailleurs, poussés hors du quartier par des initiatives commerciales ou culturelles qui attirent principalement les Blancs aisés. La responsabilité des élus est de participer à la création d’un meilleur quartier, de meilleures politiques du logement, de meilleures écoles. » Pour assister à une nouvelle Harlem Renaissance qui profite à tous.

Diaporama du nouveau Harlem arty

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Chiharu Shiotal, la femme araignée s'installe au Bon Marché

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Chiharu Shiota dans son atelier à Berlin.

L’artiste japonaise installe ses œuvres tissées au Bon Marché Rive Gauche à Paris. Du 14 janvier au 18 février, 150 bateaux de laine y vogueront en suspension.

Quartier de Wedding, au nord-ouest de Berlin, une vraie tour de Babel avec ses différentes diasporas. Entre bureaux d’architecture et galeries d’art, se trouve l’atelier de Chiharu Shiota, une ancienne imprimerie. À l’intérieur, dix assistants tissent leur toile sous la houlette de la femme araignée. Après The Key in the Hand, œuvre spectaculaire de la 56e Biennale de Venise, l’artiste japonaise met la dernière main à son installation pour Le Bon Marché Rive Gauche.

D’Osaka à l’île de Kochi

L’exposition au titre métaphysique aurait pu s’intituler comme un poème de Rimbaud, le Bateau ivre, ou comme un vers d’Apollinaire, Mon beau navire Ô ma mémoire… Cent cinquante bateaux du monde entier de toutes les cultures et de toutes les tailles vogueront suspendus sous les verrières du Bon Marché, à Paris. Depuis Ai Weiwei, qui avait investi, l’année dernière, le même espace de ses créatures mythologiques en forme de cerfs-volants, on sait que le grand magasin est le nouveau musée. Pour Chiharu, les bateaux expriment un nouveau départ. Elle s’est souvenue de ses trajets en bateau, d’Osaka à l’île de Kochi, quand elle était petite. « La vie est un voyage sans destination », dit-elle.

La laine comme médium

150 bateaux tissés vogueront suspendus sous les verrières du Bon Marché, à Paris.

Depuis toujours, Chiharu utilise la laine (ici, 3 500 pelotes de coton blanc et six mois de travail). Elle emprisonne vêtements et objets dans ses tissages, met en rang des armées de robes… Ses pièces narratives vues à La Maison Rouge, à La Sucrière de Lyon ou à la Galerie Templon sont d’une beauté inouïe. L’artiste se situe dans la lignée de celles qui détournent ou pervertissent l’ouvrage dit féminin : Eva Hesse, Louise Bourgeois, Sheila Hicks, Annette Messager…

Du noir, du rouge et… du blanc

Chez Chiharu, tout est affaire de symbole. Son vocabulaire est explicite. Des clés pour la confiance, des robes seconde peau, des fils à l’instar des connexions entre humains… Tout tourne autour de la mémoire. Il y a aussi la symbolique des couleurs, du rouge comme le sang de notre corps et du noir comme l’infini du cosmos. En revanche, c’est la toute première fois qu’elle utilise du blanc, seule contrainte du commanditaire. Pour elle, cela évoque « la neige, la pureté ». Et pourquoi pas la paix ? Comme ce premier musée contre la guerre, Anti- Kriegs-Museum, édifié dans le quartier cosmopolite de Berlin, où cette exilée vit et travaille.

Where are we going ?, Le Bon Marché Rive Gauche, du 14 janvier au 18 février 2017, à Paris.

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Oslo, une scène artistique en effervescence

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<p>Promenade d’Aker Brygge, en front de mer, à Tjuvholmen, le quartier des arts.</p>

Reportage. - Pour son inauguration à Tours, le Centre de création contemporaine Olivier - Debré nous entraîne en Norvège. Escapade en terre d’élection du peintre tourangeau avec la découverte d’une scène artistique en ébullition.

Oslo, dans la lumière de janvier. Capitale givrée où les habitants s’installent nonchalamment en terrasse pour prendre un café par moins 5 degrés. Ses bâtiments de brique, son quartier du front de mer en plein boom, ses jours si courts. Et pourtant. Il faut voir un coucher de soleil, comme un incendie céleste qui irradie la ville. Sa lueur irréelle balaie les gris cumulus, une folle énergie plane à l’horizon pendant de longues minutes d’aspiration entre ciel et terre. C’est sans doute la puissance de la nature, conjuguée à ses lumières particulières, métalliques et fantastiques, qui ont happé le peintre Olivier Debré.

Entre 1970 et 1990, l’artiste français en fait une de ses terres d’élection, y multiplie les voyages, les toiles et les expositions. Après une donation du fonds historique Olivier - Debré et un lifting architectural signé des frères Aires Mateus, le nouveau centre d’art tourangeau - créé en 1984 par son actuel directeur, Alain Julien-Laferrière, désormais siglé de l’acronyme CCC OD (centre de création contemporaine Olivier - Debré) - ouvrira ses 4 500 mètres carrés dans quelques jours (1).

Tour d’horizon décapant

<p>L’opéra d’Oslo et, juste derrière, le futur musée Edvard-Munch, actuellement en construction.</p>

Le centre propose un voyage en trois expositions inaugurales. La première (2) raconte en une quarantaine de toiles l’œuvre du peintre en Norvège. La deuxième (3) consacre l’artiste norvégien Per Barclay et son processus de chambre d’huile. La troisième (4), enfin, dévoile la jeune génération d’artistes intervenant en Norvège depuis les années 2000.

Un tour d’horizon décapant de ce pays longtemps dominé par ses voisins suédois et danois (jusqu’en 1905), peuplé d’un peu plus de 5 millions d’habitants et doté de 700 musées (Edvard Munch a le sien) et maintenant riche d’un choc pétrolier à l’envers - ils ont du pétrole, et ce depuis 1969.

Ajoutons un collectionneur averti, Hans Rasmus Astrup, à la tête d’une collection d’art contemporain installée dans un musée étendard signé Renzo Piano et situé en bord de fjord depuis 2012. Des galeries et toute une nouvelle vague d’artistes actifs et impliqués, portés à leurs débuts par les « artist-run spaces » - sortes de mini-laboratoires de travail - et qui s’exportent sans complexe. Bref, une scène tonique et abrasive, à découvrir.

Les acteurs d'Oslo

Thora Dolven Balke, la chef de bande

Thora Dolven Balke.

Qui ? Thora, fille d’artistes norvégiens - sa mère, A K Dolven, est une plasticienne reconnue ; son père, Erik Balke, un musicien de jazz -, a grandi entre les îles Lofoten, Berlin et Londres. La jeune femme a développé une autonomie de fonctionnement. Dès la fin de ses études en photographie, Thora codirige Rekord, un des premiers espaces gérés par les artistes d’Oslo, entre 2006 et 2010. À 34 ans, elle continue à « inventer sa carrière », entre commissariats d’exposition et projets personnels.

Quoi ? Tout en effectuant le programme de résidence Capacete, à Rio de Janeiro, Thora a été commissaire, avec Elodie Stroecken, de l’exposition collective inaugurale du CCC OD, Innland, et a contribué à l’émergence de sa génération en France.

Ses projets ? Thora Dolven Balke a longtemps travaillé sur les Polaroid. Elle œuvre maintenant sur des podcasts radiophoniques, mélangeant images et sons afin de pratiquer « l’art comme une conversation » - à suivre lors du prochain Ultima Festival, en septembre, à Oslo.

thoradolvenbalke.tumblr.com/

Per Barclay, le maître des fluides

Qui ? Per, longue silhouette et sourire fin, confronte ses miroirs liquides à l’architecture, dans un effet de bascule spatio-sensorielle. Une perception déroutante que l’on retrouve en l’écoutant parler norvégien, anglais ou français avec une pointe d’accent italien. L’artiste, né à Oslo en 1955, appartient à la première génération d’artistes partie se former à l’étranger. Pour beaucoup, ce sera Berlin. Per, lui, choisit Turin et l’arte povera. Son travail sur l’espace passe par la photographie, la sculpture et les installations.

Quoi ? Per collabore depuis 2001 avec le CCC et, pour sa réouverture en CCC OD, il y proposera une grande « Chambre d’huile » (225 mètres carrés), dans la partie ancienne de la nef. À la différence des autres dispositifs, éphémères car destinés à être photographiés, le public pourra cette fois longer le grand bassin monochrome noir. Entre vertige et profondeur.

Ses projets ? Des expos à la galerie Persano, à Turin, une autre, galerie OSL, à Oslo. Et, en mai, un projet avec le musée d’art contemporain de Kristiansand, en Norvège.

www.perbarclay.com

Therese Möllenhoff, curatrice au musée Astrup Fearnley

Therese Möllenhoff.

Qui ? Therese a presque grandi dans le musée, qui, depuis sa réouverture en 2012, a posé ses trois bâtiments voilés au design ultra-stylé signé Renzo Piano face au large, façon figure de proue du nouveau visage de la ville. Le musée sert d’écrin à la magnifique collection de cette famille d’armateurs, aujourd’hui représentée par Hans Rasmus Astrup, 77 ans. Après avoir commencé comme guide pendant ses études, Therese est devenue assistante pour les expositions (trois par an) et les prêts d’œuvres.

Quoi ? À 32 ans, elle est aujourd’hui l’un des deux curateurs de la collection, le deuxième étant son directeur, Gunnar B. Kvaran, ancien dirigeant du musée d’Art de Reykjavik. La structure, « petite, dynamique et dévouée », précise-t-elle, tourne avec onze personnes ! Après des expositions sur Matthew Barney puis Alex Israel l’an dernier, le musée accueille en ce moment Murakami, tandis que l’exposition précédente, Los Angeles, une fiction, s’est installée au MAC Lyon.

Son projet ? Celui du musée : l’exposition Chinese Summer Group, cet été, puis, dès septembre, une exposition sur un enfant du pays, Matias Faldbakken. Suivront les Américains Ryan Trecartin et Lizzie Fitch. L’horizon est vaste.

www.afmuseet.no

Tori Wrånes, rock’n’troll

Qui ? Tori, née à Kristiansanden 1978, plasticienne vocaliste, mélange voix et sculptures dans ses performances. Tori Wrånes parle aux trolls, ces lutins du folklore scandinave, entre clowns et monstres. Pour cela, Tori devient elle-même troll, grimée des accessoires qu’elle prépare avec soin - bosse, mains et pieds de géants, oreilles et langues monstrueuses, chicots reluisants… -, pour intervenir dans des situations de contrainte. Jouer du piano à flanc de falaise, du trombone sur un télésiège ou vocaliser, pendue à une grue, comme quand elle a posé la première pierre du futur Musée national d’Oslo, que la reine Sonja avait calée dans son sac à dos.

Quoi ? L’idée, c’est de « trollifier les choses », précise Tori. À travers ses étonnantes improvisations non verbales et inspirées, celle qui a longtemps fait partie de groupes de rock raconte une fable mystérieuse à la puissance du grotesque, un peu partout dans le monde, de la Biennale de Venise au Watermill Center de New York, en passant parle Bangladesh ou l’Australie.

Ses projets ? Sa performance Invisible Diva, le 10 mars, pour l’inauguration d’Innland. Une autre, à découvrir au palais de Tokyo, à Paris, à l’occasion du déjanté week-end Do Disturb, du 21 au 23 avril.

www.toriwraanes.com

Ignas Krunglevicius, la conscience acoustique

Ignas Krunglevicius.

Qui ?À 37 ans, Ignas, venu de Lituanie et installé à Oslo depuis quinze ans, est le seul des artistes de l’exposition Innlandà avoir déjà exposé en France, lors d’un lille3000. Il gère également un des dix « artist-run spaces » (ateliers-laboratoires autogérés) de la capitale, où il propose une exposition par mois. Artiste et compositeur (master en composition musicale à l’Académie de musique d’Oslo), il travaille le son autour de la notion de pouvoir et de contrôle des individus, via des installations, des vidéos ou des pièces sonores.

Quoi ? Pour Innland, il installera une grande sculpture noire, qui enserrera la galerie comme un muscle de plastique.

Ses projets ? Une exposition collective à l’ICA de Philadelphie, en avril, et la cocréation d’une pièce de théâtre pour la rentrée prochaine au Théâtre national d’Oslo.

Exposition Soft Screen Alien, actuellement au Kunsthall Oslo.

Visite d'Oslo

(1) CCC OD, inauguration du 10 au 12 mars. www.cccod.fr (2) Olivier Debré. Un voyage en Norvège, 11 mars-17 septembre. (3) Per Barclay. Chambre d’huile, 11 mars-3 septembre. (4) Innland, la jeune scène norvégienne, 11 mars-11 juin.

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Des nimphéas au Léviathan-main-toth, les artistes explorent nos jardins au Centre Pompidou de Metz

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"Jardin infiini, de Giverny à l'Amazonie" au Centre Pompidou de Metz

Max Ernst, Pétales et jardin de la nymphe Ancolie, 1934

300 œuvres de la fin du 19e à nous jours sont à découvrir, comme un territoire infini...

Quand les artistes s’emparent du jardin, cela donne le joli thème d’une exposition savante au Centre Pompidou-Metz. De Claude Monet à Philippe Parreno, en passant par Odilon Redon, František Kupka, Paul Klee, Max Ernst, Joseph Beuys, Georgia O’Keeffe, Felix Gonzalez-Torres, Rebecca Horn ou Wolfgang Tillmans, ils conçoivent le jardin comme lieu d’expérimentation, hommage à la nature, éblouissement devant ses formes, métaphore de la vie, réflexion sur l’environnement et la classification des espèces…

Ils exaltent la sensualité des couleurs et de la lumière comme Pierre Bonnard. Déclinent les effets hallucinogènes des plantes – chez Yayoi Kusama – ou psychotropes – chez Carsten Höller et Michel François. Tetsumi Kudo y incorpore des membres humains. Pierre Huyghe concentre Giverny dans des aquariums à nymphéas. Simon Starling retrace l’histoire du rhododendron. Salvador Dalí puis Laurent Grasso explorent les dimensions sacrées et historiques du jardin de Bomarzo. Dominique Gonzalez-Foerster évoque un fantasme de forêt vierge. Alors qu’une installation immersive d’Ernesto Neto restitue la forêt amazonienne. Le tout dans un paysage scénographique total créé par l’artiste Daniel Steegmann Mangrané. « Je sais aussi, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin », écrivait Voltaire. Démonstration par l’art

Jardin infini. De Giverny à l’Amazonie, du 18 mars au 28 août, Centre Pompidou-Metz.

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Seattle, la nouvelle escale arty américaine

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Musée de la Pop Culture, Seattle

Fondé par les milliardaires Jody et Paul Allen, le musée de la Pop Culture de Seattle a été dessiné par Frank Gehry. Il regroupe en réalité plusieurs musées ainsi qu’une salle de concerts.

Avant-gardiste, rock, high-tech… La métropole du Nord-Ouest américain, berceau de Jimi Hendrix, de Microsoft et d’Amazon, est devenue l’épicentre d’une création en constante ébullition. Découverte d’une capitale du renouveau artistique qui adore le mélange des genres.

On connaissait Seattle, la patrie de Microsoft, d’Amazon, de Boeing et de Starbucks… La Rainy City, qui fait rêver les fans des séries Six Feet Under, Grey’s Anatomy ou de la mythique Twin Peaks, de David Lynch, tournée non loin de là. Seattle, la ville natale de Jimi Hendrix, la Mecque des nostalgiques de Nirvana. Mais celle que l’on nomme la Rome américaine, en raison de ses sept collines, est surtout aujourd’hui l’une des cités les plus prospères et les plus progressistes d’Amérique. Loin de vivre tournée vers son passé, Seattle, nichée dans les ramifications d’un détroit s’ouvrant sur le Pacifique, est devenue la nouvelle plaque tournante de l’art contemporain et de la musique, bien plus que ses voisines, Portland ou Vancouver.

Que l’on y invente des logiciels ou que l’on y fasse germer une contre-culture, la ville semble avoir gardé l’esprit pionnier de ses pères fondateurs. Ainsi, de jeunes artistes s’installent dans les quartiers branchés de Pioneer Square et de Capitol Hill, où les galeries connaissent un essor sans précédent. Des initiatives voient le jour, comme la Seattle Art Fair, lancée en 2015 par le milliardaire Paul Allen,cofondateur de Microsoft, qui a réussi à faire venir des mastodontes tels Larry Gagosian ou David Zwirner. « La Seattle Art Fair est le nouvel Art Basel de Miami », titrait le New York Times en août dernier.

Des rendez-vous éclectiques

« Pourquoi ne pas oser ? » s’était alors dit Paul Allen, passionné d’art. « L’idée de créer une plateforme internationale de l’art à Seattle, inspirée par la Biennale de Venise, peut paraître prétentieuse, mais il faut rêver », raconte ce collectionneur qui collabore avec les galeries et les musées de la ville en leur prêtant régulièrement ses œuvres.

Le grand geek a aussi fondé le Museum of Pop Culture (MoPOP) : un immense bâtiment visionnaire conçu par Frank Gehry, qui accueille une dizaine d’expositions sur la musique. Dans le hall d’entrée, un amoncellement de deux cents guitares qui semblent jaillir du sol donne le ton. Outre son impressionnante Guitar Gallery, le musée abrite près de 80.000 reliques aussi mythiques que la Fender Stratocaster cassée de Hendrix ou des manuscrits de Kurt Cobain, et propose des concerts mêlant des groupes locaux à des stars comme Eric Clapton.

Cool, écolo, rock et high-tech, Seattle étonne par sa liberté et son éclectisme. C’est ainsi que dans sa galerie, au troisième étage de la magnifique gare de King Street, Greg Lundgren a conçu, l’été dernier, Out of Sight, le pendant alternatif de la Seattle Art Fair. Un rendez-vous « indoors » et « outdoors » auquel ont participé des centaines d’artistes émergents, d’architectes et de galeries locales, et qui a été hautement médiatisé. « Les thèmes des œuvres présentées par Out of Sight dans toute la ville - parcs, galeries, ateliers, cafés… - sont aussi passionnants qu’ancrés dans le réel : l’écologie, les logements pour les sans-abri, la mixité ethnique », explique le galeriste Greg Kucera, fondateur de la Greg Kucera Gallery. Dans son espace, au cœur du quartier de Pioneer Square, Kucera, l’une des voix les plus influentes de la scène artistique du Pacific Northwest, ne cesse depuis quarante ans de prendre des risques en dévoilant le talent d’artistes locaux.

La cité des femmes

La tour Space Needle et le musée de la Pop Culture

Deux symboles architecturaux de la ville de Seattle : la tour Space Needle (1962) et le musée de la Pop Culture, (2000).

Le pari semble gagné, dès lors qu’on prend le temps de flâner à travers une ville qui offre une pléthore de lieux d’art aux programmations pluridisciplinaires. Au cœur du quartier hipster de Capitol Hill, le Frye Art Museum tisse des liens entre peinture, vidéo et performances ultra-contemporaines et expérimentales. Non loin de l’université de Washington, la Henry Art Gallery fascine par son installation permanente de James Turrell. Sur les rives d’Elliott Bay, entre le bord de l’eau et une voie ferrée, l’Olympic Sculpture Park est un labyrinthe en plein air où l’on se promène entre les sculptures d’Alexander Calder, de Richard Serra ou de Claes Oldenburg. Avant de s’arrêter fasciné par l’architecture magnifique de la Seattle Public Library, un édifice futuriste de verre et d’acier signé Rem Koolhaas, qui, selon le New Yorker, est « la plus importante bibliothèque construite depuis une génération et la plus exaltante ».

L’une des spécificités les plus intéressantes de cette richesse artistique réside sans doute dans l’influence des femmes, comme le souligne Kimerly Rorschach, la directrice du Seattle Art Museum (SAM) : « Alors que la plupart des grands musées aux États-Unis - comme le Metropolitan Museum de New York - sont dirigés par des hommes, à Seattle, c’est l’inverse : à la tête du Frye Art Museum, du Tacoma Art Museum ou de galeries comme la Henry Art Gallery ou la M.I.A Gallery, ce sont les femmes qui tiennent les rênes. » Seattle est décidément, là aussi, à l’avant-garde de l’Amérique.

Cinq visages de la scène locale

Tariqa Waters, la galeriste underground

Qui ? Peintre et photographe, la sculpturale et très hype Tariqa Waters, 36 ans, est la propriétaire de la galerie Martyr Sauce, un des lieux les plus électrisants du quartier arty de Pioneer Square. Amie d’Angela Davis, cette femme de caractère a été encensée pour sa dernière exposition, « 100 % Kanekalon: The Untold Story of the Marginalized Matriarch », au Northwest African American Museum (NAAM), à Seattle, consacrée à la condition des femmes noires aux États-Unis.
Quoi ? Belle, androgyne, constellée de tatouages, elle apparaît sur ses autoportraits aux couleurs tranchantes en se métamorphosant sans cesse : agressive, mystérieuse, transgenre, pop art… Tariqa Waters joue avec les codes vestimentaires et les coiffures des stars de la black music, en rappelant que « l’Amérique a souvent relégué les Noirs à la musique et au sport ». Professeur d’histoire afro-américaine au Seattle Art Museum, elle organise des expositions pluridisciplinaires, mêlant peinture et photographie, auxquelles participent les musiciens de Seattle.
www.martyrsauce.com

Emily Nokes, l’égérie pop punk

Qui ? La voix piquante de Tacocat, l’un des groupes les plus effervescents de la Rainy City. L’excentrique Emily, 28 ans, est la chef de file des girls bands insolents de Seattle. Tambourin à la main, elle met le feu sur la scène rock du Pacific Northwest, en digne héritière pop punk de Courtney Love.

Quoi ? Trois albums, dont Lost Time (2016) - produit par Erik Blood -, composé en référence à la série X-Files et au personnage de Dana Scully : « Une féministe dont l’arme est l’ironie », analyse Emily. Tacocat, dont la renommée a traversé l’Atlantique, réalise des clips décalés sur le destin des jeunes musiciens confrontés à Internet. Une esthétique en Technicolor irrésistible, où les guitares surf des Beach Boys télescopent les hymnes brûlants de Bikini Kill, héroïnes du mouvement Riot Grrrl des années 1990.
www.tacocatdotcom.com

Joe Rudko, le rêveur aux ciseaux

Joe Rudko

L’artiste Joe Rudko réalise des collages à partir de minuscules lambeaux de photos vintage et de Polaroid

Qui ? Dans son atelier, une usine désaffectée à la périphérie de Seattle, Joe Rudko découpe l’Amérique et ses visages. Ciseaux et colle à portée de main, rêveur et introverti, cet artiste peintre de 26 ans réalise des collages à partir de minuscules lambeaux de photos vintage et de Polaroid délavés par le temps, qu’il collectionne ou qu’on lui envoie des quatre coins de l’Amérique.

Quoi ? Après avoir exposé à Portland, Rudko est remarqué par les galeristes et les collectionneurs lors de la Seattle Art Fair et de la manifestation Out of Sight. Il présente en mars sa première exposition personnelle à la Greg Kucera Gallery. Ses compositions, apparemment abstraites, révèlent des itinéraires de la pensée, des architectures mystérieuses, des albums de famille imaginaires, rêvant d’une Amérique ouverte à la mixité et à la solidarité.
www.joerudko.com et www.gregkucera.com

Jennifer Zwick, la photographe de l’étrange

Qui ? Le travail de cette photographe et artiste multimédia de 33 ans est célébré aussi bien dans les musées les plus cotés de Seattle - SAM, Frye Art Museum… - que dans des galeries expérimentales, telles Soil ou Gallery4Culture, qui lui consacre cette année une exposition. Jennifer Zwick investit également des lieux urbains, par exemple la futuriste Space Needle, et ses photos ont fait la une de magazines, comme le caustique The Stranger.
Quoi ? Dans son atelier de Capitol Hill, en ville ou en pleine forêt, Zwick construit des photos narratives, explorant un univers fantastique peuplé d’enfants, de livres et d’objets du quotidien détournés : des installations inspirées autant par les écrits de William Blake et de Jorge Luis Borges que par les BD de Calvin et Hobbes.
www.jenniferzwick.com

Greg Lundgren, le Warhol de Seattle

Qui ? Greg Lundgren, 46 ans. Sculpteur, designer, cinéaste, commissaire d’exposition… Couronné d’un Genius Award du magazine The Stranger, ce charismatique galeriste est le catalyseur de la scène artistique de Seattle : un visionnaire à la tête de projets utopiques, engagés et à grande échelle. Collaborateur de l’homme d’affaires et mécène Paul Allen, il a participé à la Seattle Art Fair et créé, en parallèle, la foire d’art contemporain Out of Sight, un « festival satellite », qui expose les artistes locaux : « Cela a permis aux galeristes de New York ou de Los Angeles comme aux collectionneurs du monde entier de découvrir notre richesse. » L’obsession de Lundgren ? Soutenir, via Vital 5 Productions, galeries et artistes de la ville et les pousser à s’y épanouir. Pari réussi.
Quoi ? Les fenêtres de son immense galerie, sorte de Factory située au dernier étage de la gare de King Street, surplombent les quartiers artistiques de la ville. Sa nouvelle exposition, The Bureau of Arts & Culture, rassemble vingt et un plasticiens, peintres, photographes et musiciens, et s’étend sur plus de 10.000 mètres carrés.
vital5productions.com

Jo-Anne Birnie Danzker, la directrice de musée qui ose…

 Jo-Anne Birnie Danzker

L’Australienne Jo-Anne Birnie Danzker, directrice du Frye Art Museum, a donné une voix aux artistes de Seattle.

Qui ? Première femme à diriger la Art Gallery de Vancouver, elle a aussi été à la tête de la Villa Stuck, à Munich, et commissaire d’exposition au MoMA ou au Guggenheim de New York… L’Australienne Jo-Anne Birnie Danzker, directrice du Frye Art Museum, a donné une voix aux artistes de Seattle et favorisé l’expérimentation : « Notre rôle est d’encourager un dialogue vivant entre des créateurs de toutes disciplines apportant leur vision sur les enjeux du monde contemporain. »
Quoi ? Ses prises de risque ont engendré d’audacieuses expositions. Elle a ainsi donné carte blanche à des vidéastes tels que Kahlil Joseph, collaborateur de Beyoncé ; des voix du hip-hop, tel Ishmael Butler ; des photographes-réalisateurs, comme Rodrigo Valenzuela, ex-ouvrier immigré ; ou encore à des pionniers de l’éco-art local, avec Buster Simpson. Ces artistes ont investi le musée en apportant leurs réflexions sur l’écologie, le monde du travail, l’héritage du savoir, et ils ont attiré un public jeune, comme très peu de musées parviennent à le faire.
www.fryemuseum.org.

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Rio, la fièvre de l’art

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Nouvelle vague

De ce côté de la baie de Guanabara, on peut contempler Rio et la célèbre plage d’Ipanema. Longtemps à l’écart de la ville et de son agitation, cette rive y fut un jour reliée par un pont et s’est peu à peu animée.

Liftée pour les JO, la mégalopole n’en finit pas de s’étirer dans la baie de Guanabara avec ses nouveaux musées et une profusion de galeries. Ici, le métissage culturel n’est pas qu’un cliché.

Au cœur du quartier pittoresque de Gávea, loin de l’effervescence urbaine, se trouve un petit coin de paradis où le temps semble suspendu : une maison datant de 1968 de l’architecte Jorge Hue, mélange éclectique du modernisme brésilien, entourée d’un jardin tropical luxuriant signé du grand architecte paysagiste Roberto Burle Marx. C’est dans ce lieu chargé de l’énergie créative de Rio que l’artiste et photographe brésilien Vik Muniz aélu résidence. Livres, fossiles, coquillages, jeux d’optique datant du XIXe siècle, son bureau ressemble à un cabinet de curiosités où il pense, en images, les idées qu’il réalise dans son studio situé à quelques pas.

L'autre Rio

Rio arty 6
Les personnages de Toz ont essaimé un peu partout dans la ville: exemple aveccette fresque de 2 000 m2 située dans la zone portuaire, devenue un haut lieu de création artistique.

En marge des clichés - le carnaval, le Pain de Sucre, les filles d’Ipanema - existe un autre Rio : un monde de l’art en pleine effervescence. La Coupe du monde de football et les récents jeux Olympiques l’ont boostée, remettant cette ville si photogénique sur le devant de la scène artistique brésilienne. « Rio captive par ses paysages, par la décontraction de ses habitants, sa joie de vivre et sa scène culturelle hétéroclite. C’est la ville de l’architecte Niemeyer, du paysagiste Roberto Burle Marx, de la bossa-nova et du nouveau cinéma », rappelle Joaquim Paiva, photographe carioca et principal collectionneur de photographies du pays.

Brenda Valansi Osório, la cofondatrice de la foire ArtRio, s’est servie de cette image pour attirer l’attention des galeries et des collectionneurs. Pour elle, Rio a toujours été la capitale brésilienne de l’art, renforcée par ses institutions culturelles historiques comme le Museu de Arte Moderna (MAM) ou le Parque Lage, école dédiée aux arts visuels, installée en pleine nature, à quelques battements d’ailes du Christ Rédempteur.

C’est aussi ce qui a séduit les galeries Nara Roesler et Fortes D’Aloia & Gabriel, ancrées à Sao Paulo, qui ont posé leurs valises en terre carioca. « Avec l’ouverture d’ArtRio, nous avons pris conscience de l’énorme potentiel de la ville. Depuis son inauguration en 2014, notre galerie a connu un tel développement qu’elle va bientôts’installer dans la Vila Portugal, le nouveau complexe culturel créé au Jockey Club, aux côtés des galeries Fortes D’Aloia & Gabriel et Oskar Metsavaht, et du jazz club de Vik Muniz », explique Gabriela Moraes, directrice de la galerie Nara Roesler, dans le quartier d’Ipanema. Et Rio stimule une communauté importante de collectionneurs. « Ils prennent du temps, ils posent des questions et ils écument les foires. Ils veulent tout savoir », décrit Vik Muniz.

Accélérateur, la réhabilitation de la zone portuaire

Nouvelle vague

Le musée d’Art contemporain (MAC) de Niteroí a été créé en 1996. Sa structure en forme de soucoupe volante a été dessinée par l’architecte Oscar Niemeyer. Il abrite la célèbre collection d’art contemporain de João Sattamini.

Deux nouveaux musées ont ouvert depuis 2013 : le Museu de Arte do Rio (MAR), qui propose une programmation à la fois historique et contemporaine de la ville, et le Museu do Amanhã, un bâtiment futuriste de l’architecte lauréat du prix Pritzker, l’Espagnol Santiago Calatrava, qui réunit sciences, art et audiovisuel autour de thèmes liés à l’avenir.

C’est dans ce même quartier que le street artist Eduardo Kobra apeint, bombe en main, une fresque de 3 000 m², symbole du dynamisme de Rio en matière d’art urbain. « Le graffiti existe depuis le milieu des années 1990 à Rio, mais il se développe de façon importante », explique Fernando Sawaya, alias Cazé, street artist et illustrateur, qui a lancé le projet Ladeira do Castro, une galerie de graffitis à ciel ouvert entre les quartiers de Santa Teresa et de Lapa. « J’ai beaucoup appris de la scène d’art urbain carioca », ajoute Bruno Big, qui a exposé en septembre dernier à la Next Street Gallery de Paris. Une force unique s’en dégage. Nous sommes tous connectés les uns aux autres, au-delà des clans, indépendamment de l’histoire, de la classe sociale ou du quartier où l’on vit. » Big a d’ailleurs apposé sa patte sur l’un des murs de Z42 Arte, un nouvel espace dédié à l’art, à deux pas du chemin de fer du Corcovado. Ouvert en 2015, il accueille aujourd’hui sept artistes en résidence qui rendent hommage chacun à leur manière à l’âme du Brésil.

C’est ce que traduisent, par leur carnaval de couleurs, les œuvres de Beatriz Milhazes. « Nous avons un rythme différent ici, à Rio. C’est une grande ville qui interagit avec la nature. La mer, la forêt, la montagne font partie de notre quotidien, et j’ai toujours pensé que ce contact avec la nature influençait beaucoup mon art. J’ai besoin d’être proche de mon atelier pour produire », confie l’artiste. Rio pourrait bientôt donner un peu plus de couleurs et de sensualité au monde de l’art au-delà de ses frontières.

Huit visages de la scène locale

Beatriz Milhazes, l’Œuvre radieuse

Beatriz Milhazes

Incarnation du renouveau artistique actuel, la peintre Beatriz Milhazes s’inspire de la nature tropicale locale. Pleine de couleur, son œuvre fait aussi référence aux avant-gardes artistiques européennes.

Qui ? Disciple de Tarsila do Amaral, peintre de l’école moderniste, véritable cannibale culturelle dont l’œuvre se nourrissait des techniques venues d’ailleurs (et en particulier de Paris), Beatriz Milhazes se définit comme une artiste brésilienne à l’héritage international. Si Rio et son carnaval ont une influence dans sa quête de beauté et dans sa recherche sensuelle de la couleur, elle se réfère aussi aux avant-gardes européennes, à l’image de Matisse, Delaunay, Fernand Léger ou Mondrian.

Quoi ? Une œuvre euphorisante et énergisante (comme le soleil de Rio, le son des tambours endiablés et la nature luxuriante du Brésil) qui utilise différentes techniques, à l’instar du transfert de peinture ou du collage.

Ses projets ? Une exposition à la galerie Fortes D’Aloia & Gabriel (1), à Carpintaria, à Rio, où elle présentera trois sculptures inédites. D’autres expositions à venir en 2018 à Londres, à Inujima, au Japon, et à New York, et une monographie aux éditions Taschen retraçant son travail de 1983 à 2016, à paraître au mois de juin durant Art Basel.

(1) Du 27 avril au 10 juin.

Z42 Arte, pépinière de talents

Qui ? Ouvert en 2015, ce pôle artistique rassemble dans une maison des années 1930 à l’architecture éclectique les ateliers de sept artistes, dont Katia Wille, Talitha Rossi et Rona Neves, ainsi que les archives du collectionneur Fábio Szwarcwald et les bureaux de Santart, une revue d’art.

Z42 Arte

Représentants de la nouvelle génération d’artistes brésiliens, trois créateurs multidisciplinaires en résidence au sein du pôle artistique Z42 Arte: Katia Wille, Talitha Rossi et Rona Neves.

Leurs projets ? Formée à l’art à l’université d’Amsterdam, Katia Wille a créé sa propre marque de vêtements, ZigfFreda, avant de se lancer dans la peinture. Elle expose aujourd’hui une quinzaine de toiles au Centro Cultural Justiça Federal de Rio (1) où elle rend hommage à la nature environnante et au pouvoir des femmes. « Si le Brésil reste sous certains aspects extrêmement machiste, force est de constater que les grands artistes modernes et contemporains sont des femmes. »

Après des études de mode à la Saint Martin’s School de Londres et des expériences dans ce domaine, Talitha Rossi décide de reprendre la voie de l’art. Enfant de la génération Y, elle veut parler de cette nouvelle femme qui, en marge du culte du corps, utilise ses doigts autant pour peindre que pour pianoter sur son clavier.

Inspiré par l’univers de l’enfance, les mots, l’énergie du carnaval et du candomblé (religion afro-brésilienne), Rona Neves retranscrit à travers ses peintures les problèmes du monde contemporain dans un expressionnisme fait de douceur et de violence.

(1)Fluxofloração,jusqu’au 30 avril. www10.trf2.jus.br

Vik Muniz, sculpteur d’images

Vik Muniz

Plasticien et photographe, Vik Muniz est un artiste brésilien de premier plan.

Qui ? Né à Sao Paulo dans une famille très modeste, Vik Muniz préfère le dessin aux mathématiques et découvre l’art dans de vieux livres. Avec l’argent reçu en échange de son silence à la suite d’un accident de voiture, il quitte son Brésil natal à 22 ans pour Chicago puis New York. Entre deux jobs, il sculpte et rencontre le succès.

Quoi ? Plasticien et photographe, il rend hommage à l’histoire de l’art par des reconstitutions originales faites de substances et d’objets inattendus : poussière, mégots, détritus, confettis, pièces de puzzle, jouets, chocolat, sucre, fil de fer..., jetant un regard renouvelé sur des œuvres très connues.

Ses projets ?Perfect Strangers : ses mosaïques en verre déplacent les foules dans le métro new-yorkais, sur la 72e rue .Il sera à l’honneur jusqu’en juin dans une rétrospective au Museo de Arte Contemporáneo de Monterrey (1) au Mexique, et lors d’une exposition au Palazzo Cinià Venise (2).

(1)Vik Muniz,jusqu’au 11 juin. www.marco.org.mx(2)Afterglow. Pictures of Ruins,du 21 avril au 24 juin. www.cini.it

Brenda Valansi Osório, cofondatrice d’ArtRio

Brenda Valansi Osório

La plasticienne Brenda Valansi Osório.

Qui ? Après des études de vétérinaire, Brenda Valansi Osório se passionne pour l’art en 2003, alors qu’elle réside à New York. De retour à Rio, elle décide d’intégrer l’École des arts visuels du Parque Lage et d’étudier l’histoire de l’art à l’université pontificale catholique de Rio.

Quoi ? Entre 2007 et 2009, la jeune artiste plasticienne réalise ses premières expositions individuelles et collectives, avant de créer ArtRio en 2011. En 2016, lors de sa 6e édition, la foire d’art contemporain de Rio a accueilli plus de 50 000 personnes et réuni près de 73 galeries, cristallisant ainsi l’attention du monde de l’art.

Ses projets ? La 7e édition d’ArtRio aura lieu du 14 au 17 septembre dans un nouvel espace totalement rénové, la Marina da Glória .Un décor de carte postale entre la baie de Guanabara et le Pain de Sucre.

Joaquim Paiva, photographe et collectionneur

Joaquim Paiva

Inspiré par la poésie, l’art, la littérature et le cinéma, le photographe Joaquim Paiva.

Qui ? Nourri par les albums de famille, Joaquim Paiva s’intéresse très rapidement à la photographie, dont il commence véritablement la pratique dans les années 1970 lorsqu’il quitte Rio pour s’installer à Brasilia. En marge de sa carrière de diplomate, il profite de ses déplacements pour se réapproprier l’identité brésilienne et commence en parallèle à collectionner, ébahi par Diane Arbus et Miguel Rio Branco.

Quoi ? Il est sera prochainement à l’honneur dans la collection permanente du MAM (1), qui réunira ses photographies ainsi que des œuvres d’art moderne et contemporain de la collection Gilberto Chateaubriand, l’un des plus grands collectionneurs du Brésil. Il vient de sortir un livre, Farsa. Truque. Ilusões (éd. {Lp} Press), qui rassemble ses travaux photographiques de 1970 à 1978 où il utilise son corps comme base de son art. Voyant l’art et la vie comme les deux faces d’une même pièce, il a organisé chacune de ses expositions à la manière d’un curateur. Inspiré à la fois par la poésie, l’art, la littérature et le cinéma, son travail a été exposé à la Maison européenne de la photographie en 2016, aux côtés de celui de Vik Muniz : Une saison brésilienne regroupait un ensemble de 64 photos autour de son expérience à Brasilia.

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Prune Nourry, la plasticienne qui explore la biogénétique

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Prune Nourry, la plasticienne qui explore la biogénétique

<p>Les créations de Prune Nourry, étranges, troublantes, saisissantes, bousculent les normes esthétiques et interpellent.</p>

Une armée de filles enfouie en Chine, un Spermbar à New York, des dîners procréatifs : la plasticienne explore la biogénétique avec des œuvres à sa démesure. Elle pousse à présent les murs du musée Guimet. Visite guidée.

Un atelier perché au faîte d’une spirale de béton parisien, niché, telle une bulle insoupçonnable, sous une verrière. Ambiance de préparatifs d’exposition - précise, organisée et interrogative. La structure d’une future tête de bouddha attend ses atours de plâtre et de polystyrène. Ses dimensions inquiètent Prune Nourry - aura-t-on suffisamment de recul pour l’appréhender, une fois qu’elle sera installée sous la coupole du musée Guimet ?

Le recul, question centrale pour cette artiste exigeante qui travaille depuis dix ans le creuset de son art, centré autour de la bioéthique et de la sélection procréative. Pour fêter cet anniversaire, le musée national des Arts asiatiques-Guimet, lui offre aujourd’hui une carte blanche. Et Prune, poigne de fer et yeux de biche, a prévu de faire dialoguer les œuvres permanentes du lieu avec ses sculptures. Mais pas seulement. Ne pas croire non plus que cela sera calme - la plasticienne excelle à perturber les silences, même millénaires.

À Guimet, temple asiatique parisien, sa présidente, Sophie Makariou, raconte le projet tsunami qui envahit le cadre et l’institution depuis près d’un an : « Normalement, les cartes blanches sont cantonnées à la rotonde, mais là, tout déborde ! » Il a fallu éviter que des suspensions ne fassent s’effondrer les plafonds, mesurer les espaces, inventer sans cesse.

Discours choc

Explorations

<p>Les créations de Prune Nourry, étranges, troublantes, saisissantes, bousculent les normes esthétiques et interpellent.</p>

Cette fois encore, la sculptrice a emmené tout le monde avec elle. Avant de bousculer les services muséaux, elle avait conquis un atelier chinois pour réaliser son armée en terre cuite de 108 collégiennes grandeur nature, ses Terracotta Daughters (2013), en réponse à l’armée de soldats du premier empereur. Ces guerrières, montrées de Shanghaià Paris, en passant par Zurich, New York et Mexico, dénoncent la politique chinoise de l’enfant unique. Elles sont désormais enterrées en Chine, dans un lieu tenu secret jusqu’en 2030, année où le déficit de Chinoises devrait connaître son apogée.

On retrouvera leurs huit sculptures originales dans l’exposition, de même que les Holy Daughters (2010), sculptures hybrides au corps de jeune fille et à la tête de vache, que Prune avait disséminées dans les rues de Delhi pour souligner le paradoxe entre la femme, source de fécondité peu considérée, et l’animal sacré, symbole de fertilité. À ses débuts, l’indisciplinée disposait ses Bébés domestiques - corps d’enfant et faciès de chiot en résine - devant les commerces parisiens. Prune avait déjà trouvé sa marque. Discours choc et mélange des corps.

Dans les ateliers de Prune Noury

Fil rouge

À Guimet, elle voit les choses en grand, dans la tradition des bouddhas monumentaux de Bâmiyân (détruits par les talibans en 2001, NDLR), et dispose à tous les étages les indices d’un voyage éclaté, où les pièces anciennes répondent aux fragments de l’idole éternelle massacrée. Dans la rotonde, la tête du bouddha géant, entourée d’offrandes funéraires. Au deuxième étage, le ventre du bouddha, près des statues coréennes. Au premier, sa main (4,40 m de hauteur), à la jonction des salles de la Chine et du monde himalayen « Prune passe quasiment partout, sauf au Tibet », précise Sophie Makariou, l’ancienne « Madame Islam » du musée du Louvre. Au rez-de-chaussée, dans la cour khmère, ses deux pieds gigantesques. Et au sous-sol, dévoilée le 21 juin, une empreinte de pas géante, dorée à la feuille.

Work in progress

<p>Inspiration et concentration au cœur du lumineux atelier de la jeune artiste plasticienne Prune Nourry (en combinaison blanche).</p>

Autour du bouddha morcelé, fil syncrétique asiatique, les œuvres de Prune entrent en résonance avec celles des collections, dans une poésie silencieuse. C’est tout le paradoxe de cette fille de la matière, formée à l’école Boulle, section sculpture sur bois, qui prospecte sans cesse de nouveaux territoires. Elle a récemment déversé trois tonnes de terre pour exposer sa « Contemporary Archeology » (« archéologie contemporaine ») à la Galerie Templon de Bruxelles. Chez Magda Danysz, elle avait dévoilé Imbalance, où maladie et acupuncture restaient liées. Avec Anima, elle s’était penchée sur les croyances des Mayas Lacandon. La chercheuse repart avant l’été retrouver son atelier new-yorkais. Après le Spermbar (2011), elle projette pour la rentrée une sculpture géante près du Whitney Museum.

« Gratter le vernis quand quelque chose ne fonctionne pas » pourrait être sa devise. Sa volonté évoque à Sophie Makariou la force de la « vague contre la falaise ». Prune parle plutôt d’« intuitions, de hasards et de rencontres heureuses » qui tissent le fil rouge de son travail résumé sous le terme de « serendipity ». Elle en a fait le titre de l’ouvrage qu’elle prépare sur dix ans de projets (sculptures, performances, vidéos) accomplis avec son complice scientifique des Dîners procréatifs, le pédopsychiatre spécialiste des procréations médicalement assistées, François Ansermet. Sélection, manipulation, destruction, résonance : Prune, ou la fragilité humaine reconsidérée.

Holy, carte blanche à Prune Nourry, jusqu’au 18 septembre au musée Guimet, à Paris. www.prunenourry.com

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À Roubaix, le street art s'expose sans perdre son caractère

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John Matos
À Houston Street, l'une des œuvres de l'artiste John Matos. (New York.)

L'exposition «Street Generation(s), 40 ans d’art urbain», à la Condition publique à Roubaix, rassemble les œuvres de 50 "street artists". Zoom sur quatre d'entre eux.

La galeriste et commissaire Magda Danysz a réuni à la Condition publique (1), à Roubaix, une sélection très complète d’une cinquantaine de figures du street art, qui essaiment dans le monde entier, de New Yorkà Paris en passant par Lisbonne ou São Paulo.

On y voit les précurseurs, comme Ernest Pignon Ernest, Jacques Villeglé ou Keith Haring, les stars – Futura, Shepard Fairey, Banksy, JR, Dondi, Os Gêmeos, JonOne, Kaws… – et aussi Blade, Swoon, C215, Faile, Zevs, ou Seth. Leurs œuvres, enrichies d’une trentaine de créations in situ, à même les murs de la cité du nord, racontent un art devenu majeur. Zoom sur quatre d’entre eux.

Space Invader, la mosaïque virale

Space Invader
L'artiste Space Invader.

On ne présente plus l’inventeur du petit fantôme en pixels de mosaïques… Né en 1969, il vit à Paris et pose ses créations pleines d’humour dans les lieux les plus incongrus.

Lefigaro.fr/madame.– Pourquoi le street art ?
Space Invader.– Je pense que cela correspond à ma nature profonde et à ma conception de ce que doit être un artiste aujourd’hui. Je n’ai pas cherché à être un street artiste, cela s’est naturellement inscrit dans ma démarche créative. Le street artiste jouit d’une grande liberté et il libère l’art de l’establishment et du système de l’art contemporain. Il peut intervenir où il veut et comme il veut (à condition de ne pas se faire attraper !) et il touche un public bien plus large que celui qui fréquente les galeries et musées.

Votre travail ?
Ordre et beauté, luxe, calme et volupté... et un peu de rock’n'roll.

Le street art aujourd'hui ?
Pour faire court je dirais que le street art est incontestablement devenu LE grand mouvement artistique de ce début de millénaire. Pour le meilleur et pour le pire.

Crash, new-yorkais fondateur

John Matos
L'artiste John Matos, aka Crash, travaille sur une peinture murale pour le Hard Rock Stadium de Miami. (Floride, septembre 2016.)

John Matos, né en 1961 à New York, est une icône du street art qui a commencé en peignant les trains dans le métro new-yorkais.

Pourquoi le street art ?
John Matos.– Je viens du South Bronx. Certains auteurs de graffiti connus, comme Kazoo143 TMB et CEN1 TMB, y vivaient : j’ai grandi avec cette scène. Enfant, je dessinais des personnages et des motifs avec mon nom. J’y suis donc arrivé naturellement, passionnément. Je pense que le graffiti m’a choisi plus que je ne l’ai choisi.

Votre travail ?
Il est lié à l’histoire et au pouvoir brut du graffiti new-yorkais dans le métro et sur les murs. Même si j’utilise une imagerie et des techniques modernes, j’y reviens toujours. J’ai grandi dans les années 1960, avec les super héros des bandes-dessinées américaines et les premiers dessins animés japonais. Cela a forgé mon regard sur la structure des visages, pour laquelle je suis connu. J’ai aussi été influencé par des artistes du pop art comme James Rosenquist ou Jasper Johns…

Le street art aujourd'hui ?
Aujourd’hui, il est plus intellectuel que nos graffitis de rue à New York. Beaucoup des premiers street artistes étaient autodidactes, alors qu’aujourd’hui ils sont souvent allés à l’université, ils travaillent légalement. C’est une autre conception, mais certains d’entre eux sont extraordinaires.

Quatre street artistes et leurs œuvres

Vhils, l'étoile montante

Alexandre Farto aka Vhils

L'artiste urbain portugais Alexandre Farto aka Vhils.

Alexandre Farto, né en 1987 au Portugal, est la star montante. Il a révolutionné la technique du pochoir avec ses portraits monumentaux creusés dans la matière.

Pourquoi le street art ?
Alexandre Farto.
– Je n’ai pas choisi le street art plutôt qu’une autre forme d’art. J’ai commencé comme auteur de graffiti, mais je pense que la rue et les galeries sont complémentaires. Dans la rue, il y a une grande liberté, mais aussi une compétition avec l’environnement visuel de la ville et moins de temps : il faut travailler dur pour créer un impact sur les passants. En galerie, je peux créer des pièces plus détaillées et établir des rapports plus étroits avec les amateurs.

Votre travail ?
Je cherche à fusionner l’art avec l’esthétique vandale du graffiti, à contraster la beauté poétique du résultat avec la force destructive des moyens, à humaniser le paysage urbain. Je réfléchis à la réalité complexe de nos sociétés urbaines, au modèle globalisé qui ne nous mène nulle part et uniformise le monde. J’explore aussi les thèmes du hasard et de l’éphémère, profondément liés à mon travail.

Le street art aujourd'hui ?
L’art urbain explose. C’est positif et négatif : il y a beaucoup d’artistes fantastiques, mais cette popularité attire ceux qui cherchent le profit, c’est la nouvelle poule aux œufs d’or. La scène actuelle est divisée entre le street art légal et l’illégal. L’art illégal sera toujours brutal et vibrant, alors que la profusion des fresques légales est une nouvelle forme d’art public, qui reflète son succès, et contribue à la rénovation et à l’embellissement de certaines zones.

Jef Aérosol, le pionnier des pochoirs

Jef Aerosol

Jef Aerosol devant l'un de ses dessins présentés pendant l'exposition «Street generation(s)», à La Condition publique, à Roubaix. (France, mars 2017.)

Pionnier en France, il est issu de la première vague de street art des années 1980. Né en 1957 à Nantes, il vit à Lille.

Pourquoi le street art ?
Jef Aérosol.
- J’avais 25 ans quand j’ai posé mon premier pochoir dans la rue, en 1982 à Tours. L’art dit urbain n’existait pas encore, la culture rap, hip hop, graff non plus. Dans les années 1970, je pratiquais le collage, le polaroïd, l’acrylique, le photo-graphisme, je faisais des affiches et des pochettes de disque pour des groupes. J’avais vu les travaux d'Ernest Pignon-Ernest, de Zloty, de Georges Rousse, etc. J’ai découvert la bombe aérosol en 1981, à Paris, lors d’un concert des Clash : sur scène, un artiste new-yorkais peignait une toile immense, c’était Futura 2000.

Votre travail ?
Je travaille au pochoir et à la bombe aérosol, toujours d’après photo, et souvent pour représenter des êtres humains. Au terme street art, je préfère celui d'art contextuel, mais mon travail d’exposition, en galerie ou musée est juste de l’art contemporain, de la poésie graphique.

Le street art aujourd'hui ?
C'est une mode, un phénomène surmédiatisé. Il est protéiforme, il y a du très bon et du très mauvais. Ce qu’on appelle street art ne m’intéresse pas plus que toutes les autres formes d’art : mon regard se porte bien au-delà de ce champ artistique.

(1) Street Generation(s), 40 ans d’art urbain, du 31 mars au 18 juin, La Condition publique, 14, place Faidherbe, Roubaix.

Christine Macel : "À Venise, je présente 120 artistes issus de 51 pays"

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Christine Macel

Christine Macel, la conservatrice en chef du centre Pompidou.

La conservatrice en chef du Centre Pompidou est commissaire de la 57e Biennale d’art contemporain de la Sérénissime.

Madame Figaro. - Une heure de réveil ?
Christine Macel. - Le plus tard possible !

S’il faut remonter à l’origine ?
Une famille qui aime l’art, un père architecte, une mère historienne, une grand-mère pianiste… Et un souvenir : ma première visite au Centre Pompidou, en 1977. J’ai 8 ans et la chance de voir des œuvres comme le Chopin’s Waterloo, d’Arman, ce piano explosé sur une toile : une épiphanie, qui a décidé de mon intérêt pour l’art contemporain.

Un moment décisif ?
Je passe mon bac à 16 ans à Paris, j’entame des études d’art. Une amie artiste installée à New York me propose d’échanger nos appartements. Elle me dégote un stage au GuggenheimSoHo. J’y comprends ce qu’est un musée, et je rêve d’y travailler.

Des accélérateurs de parcours ?
Bernard Blistène, mon prof à l’École du Louvre, et Laurent Le Bon (actuel directeur du musée Picasso, NDLR), qui m’a renseignée sur le concours de l’INP (Institut national du patrimoine) et incitée à y participer.

Qui vous a fait confiance ?

Alfred Pacquement, mon mentor. Il m’a recrutée en 1995 à la Délégation aux arts plastiques, puis il m’a appelée à Beaubourg en 2000 pour construire le volet contemporain du musée. Marie-Thérèse Perrin, qui m’a confié la direction du Printemps de Cahors quand j’avais à peine 30 ans, et aujourd’hui Paolo Baratta, le président de la Biennale de Venise.

Le pitch de votre poste ?
Je suis conservatrice générale du patrimoine. Mon travail s’articule en trois axes : la recherche, les acquisitions et le développement des collections, et la diffusion. Je dis souvent que c’est comme sortir un film dont je serais scénariste, producteur, metteur en scène, tout en assurant le marketing et parfois le fundraising et la recherche de mécénat.

Des résultats à donner ici et maintenant ?
La mise en place, au sein du Centre Pompidou, du département Création contemporaine et prospective et de l’Espace 315 dédié aux jeunes artistes, devenu la Galerie 0. Le commissariat de dizaines d’expos, ainsi que l’écriture de livres, essais, catalogues… Les budgets varient selon les projets et leur diminution implique le recours à des soutiens privés (le budget de Beaubourg est de 130 millions d’euros, dont 1,8 million dédié aux acquisitions, NDLR). À Venise, je présente 120 artistes issus de 51 pays, dont 103 n’ont jamais exposé à la Biennale.

Que vous reste-t-il à apprendre ?
Tout. J’aime ce métier qui consiste à découvrir, apprendre et étudier en permanence.

Un indispensable mode pour la Biennale ?
Des talons plats ! Et une robe Eley Kishimoto.

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Athènes vibre à l’heure de l’art contemporain

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Reportage à Athènes

Le centre culturel Stavros Niarchos est signé Renzo Piano.

Un centre culturel et un musée d’art contemporain flambant neuf et, pied de nez à la crise, la 14e édition de Documenta qui tend un pont entre la Grèce et l’Allemagne. L’antique cité joue l’ouverture et parie tout l’art du monde sur le futur.

Athènes, plein soleil. 26 degrés, les orangers en fleur, les rooftops embaumant le romarin et la lavande, les tables des cafés dehors, les artères Ermou et Mitropoleos envahies de piétons… Où est passée la crise ? Elle est bien là : économique, migratoire, européenne. Il suffit de changer d’ambiance, de délaisser les ruelles de Pláka, les boutiques chics de Kolonáki, les bars de Koukaki, le quartier qui monte…Et d’arpenter les alentours des places Omónia et Exárcheia pour s’en rendre compte : murs tagués, saleté et pauvreté. «Nous ne sommes pas un peuple pessimiste», prévient Andonis Foniadakis, directeur du Ballet de l’Opéra national. Dès les beaux jours, l’âme grecque reprend le dessus, avec ses concepts de «parea» (compagnie d’autrui) et de «filoxenia» (sens de l’accueil). Le nouveau centre culturel de la Fondation Stavros Niarchos, qui héberge la bibliothèque et l’opéra, est un signal fort envoyé au monde. Le magnifique immeuble de verre et de béton, œuvre de l’architecte Renzo Piano, s’enorgueillit d’un canal où pratiquer la voile, d’une canopée avec vue à 360 degrés sur la mer, l’Acropole et la colline du Lycabette, d’un jardin méditerranéen qui épouse la pente douce du paysage. Les chiffres sont éloquents : 210.000 mètres carrés, 5 700 panneaux photovoltaïques, 2 millions de livres…Quant à la salle de l’Opéra, rutilante en bois de merisier rouge, sa jauge est de 1 500 places. Les Athéniens plébiscitent le lieu depuis son ouverture en juin 2016.

40 lieux à (re)découvrir

Reportage à Athènes

Dans des quartiers comme Metaxourgío et Keramikos s’expriment de nouveaux courants artistiques avec des œuvres monumentales de graffeurs, par exemple.

Autre geste fort, la grand-messe Documenta (1) - qui donne le «la» de l’art contemporain tous les cinq ans - a décidé de se délocaliser et de se partager entre Athènes et Cassel, en Allemagne. Son directeur artistique, le Polonais Adam Szymczyk, l’a intitulée Learning From Athens (apprendre d’Athènes) et a choisi pour logo une chouette (symbole d’Athènes) dont il a infléchi le port de tête. Façon de proposer un autre regard sur la ville et d’encourager les visiteurs à devenir nyctalopes. Ils étaient 10.000 le premier week-end des 8 et 9 avril. Et il n’est pas rare de croiser des touristes à pied plan de Documenta en main, explorant la ville selon son parcours, au fil des 40 lieux répertoriés.

Direction l’Odéon, siège du conservatoire et endroit phare de Documenta, un sublime bâtiment moderniste de l’architecte Ioannis Despotopoulos. Dès l’entrée, le ton est donné avec une pièce sonore : les trois écrans superposent en temps réel les Parlements grec et allemand avec, au beau milieu, la webcam du Parthénon. Résultat : un brouhaha, hybridation des deux langues, emblématique de la situation. Adam Szymczyk a souhaité que les commissaires s’installent à Athènes pendant les trois années de préparation de l’événement et ne travaillent qu’avec des établissements publics. Le musée d’Art contemporain (EMST) en fait partie. Établi dans l’ex-brasserie Fix, il a ouvert ses portes en novembre 2016 après avoir été longtemps nomade. Pour sa directrice, Katerina Koskina, le musée est à l’image de la Grèce : «Comment surpasser ses problèmes sans argent ? Il convient de transformer sa faiblesse en force. Le but était l’ouverture du musée. Afin de prouver qu’on est citoyens car on est nés ici.»

Une vraie dynamique ou un événement exotique ?

Athènes, berceau de la démocratie, les Grecs ne mettent jamais longtemps à vous le rappeler. Katerina a donc accueilli Documenta dans ses espaces temporaires d’un cordial «Bienvenue». Ce n’est bien sûr pas le cas de tout le monde. «Tourisme de crise !» a tonné l’ex-ministre des finances Yánis Varoufákis pendant que la curatrice Nadja Argyropoulou taxait Documenta de «colonialisme». Certains ont même décrypté dans le chiffre 14, calligraphié à l’encre noire sur l’affiche officielle, une paire de bottes allemandes… L’écrivain Tákis Theodorópoulos, éditorialiste au quotidien Kathimerini, est plus mesuré : «Est-ce que Documenta va créer une dynamique ou passer comme un événement exotique ?» Déjà, l’auteur des Sept Vies des chats d’Athènes avait tiré la sonnette d’alarme lors des J.O., en 2004. Aujourd’hui, il se bat pour un projet pérenne. «À côté du musée archéologique, dont les caves débordent de trésors, il y a les ex-Écoles des beaux-arts et d’architecture qui sont occupées. De même, la maison de Maria Callas, à deux pas. Il faudrait les vider et faire un complexe archéologique. Cela changerait le visage d’Athènes.»

En images, Athènes ou l'art des défis

Une ruche qui fait du miel…

Documenta oblige, la ville bat au rythme de l’art…Suffit-il d’emprunter le chemin de Pikionis, le long du rocher sacré, pour tomber sur une tente en marbre, clin d’œil aux migrants et au Parthénon. Ou d’aller au troisième étage de l’immeuble désaffecté de l’école Diplarios pour découvrir Michael Landy et ses assistants en train de préparer l’installation Breaking News-Athens, laquelle revisite, en bleu et blanc, dessins et slogans politiques. Ou de se promener dans les quartiers de Metaxourgío et de Keramikos avec, en tête de pont, la galerie The Breeder. Se trouvent réunis là des artistes en quête de loyers peu chers, de nouveaux restaurants et bars comme The Seychelles et Bios, un espace de surf au design affûté. La vidéasteLoukia Alavanou, jolie trentenaire, revenue en Grèce en 2012, plaide : «Nous avons besoin de temps pour digérer la crise.» N’empêche, elle aime son quartier de Kypséli, avec son melting-pot d’étrangers venus des Balkans, de l’Afrique, du Moyen-Orient. «Une nouvelle communauté se crée, des nouveaux liens se tissent. On dirait une ruche qui fait du miel. C’est bon et c’est utile !» On le sait : les artistes ont toujours un coup d’avance.

(1) Documenta 14, Learning From Athens, jusqu’au 16 juillet. www.documenta14.de

Marina Fokidis, la pythie de Documenta 14

Reportage à Athènes

Marina Fokidis, curator-advisor de Documenta.

Bio. De sa chevelure à ses bottines, le look est outre-noir. On est arty ou on ne l’est pas. Et Marina l’est depuis toujours : un master à Goldsmiths College, une décennie comme commissaire indépendante entre Paris, Londres et New York. Retour à Athènes dans les années 2000. Fondatrice du centre d’art Kunsthalle Athena, elle lance le magazine d’art contemporainSouth as a State of Mind, devenu la publication officielle de Documenta, dont elle est curator-advisor.
Apprendre d’Athènes… «Cela remonte à la nuit des temps, à Socrate et à la maïeutique comme voie d’accès à la connaissance. Learning From Athens ,ville symbole de la démocratie, cela signifie apprendre tous ensemble, apprendre la multiplicité. Le monde entier a des préjugés sur les Grecs : ils sont paresseux, corrompus… La Grèce est mal interprétée. Il faut venir ici avec l’idée d’apprendre et celle de ne pas savoir. Soyez ouverts, à l’affût, “keep learning” (continuez à apprendre, NDLR), même quand l’exposition sera finie.»
Une ville, trois mots : «La lumière, la lumière, la lumière.»

Andonis Foniadakis, danse avec la vie

Bio. Né en Crète il y a quarante-cinq ans, stylé avec son bomber bicolore, son pantalon noir et ses sneakers blanches. Danseur (chez Maurice Béjart ou Yorgos Loukos), chorégraphe indépendant, il a créé sa propre compagnie, Apotosoma, basée à Lyon. Depuis septembre 2016, il est directeur du Ballet de l’Opéra national grec. Avec sa troupe de 50 danseurs, il compte élargir le répertoire et inviter des chorégraphes internationaux. Cap sur la création.
Apprendre d’Athènes… «La force, la détermination et le courage d’un peuple face à la crise. Les Grecs ont connu des épreuves et ont déjà éprouvé dans le passé des guerres, des occupations, des dictatures. Un peuple plein de vie qui, malgré les problèmes financiers, a la culture du vivre-ensemble et trouve les moyens de se réinventer.»
Une ville, trois mots :«Lumière, anarchie, escapade.»

Katerina Koskina, l’artiviste

Reportage à Athènes

Katerina Koskina, directrice du nouveau Musée national d’art contemporain d’Athènes.

Bio. La directrice de l’EMST, le nouveau Musée national d’art contemporain d’Athènes, est de culture francophone : études à la Sorbonne, à l’École du Louvre, chevalier de la Légion d’honneur. Avant? Elle a fait ses armes comme directrice artistique de la Fondation Kostopoulos, multiplié les commissariats (de Jan Fabre au pavillon grec de la Biennale de Venise) et dirigé plusieurs éditions de la Biennale de Thessalonique.
Apprendre d’Athènes…«L’inspiration, l’espoir et “l’artivisme” - concept cher à Michelangelo Pistoletto et auquel j’adhère. Si on veut continuer à être des citoyens et ne pas succomber aux stéréotypes (pays transformé en banque d’échanges et êtres humains en pions), à nous de montrer la voie alternative de la culture et de la civilisation. Il faut croire en la synergie…»
Une ville, trois mots : «Acropole, énergie, action. Sans Acropole, pas d’Athènes, et sans énergie, pas d’action !»

Kostas Sahpazis, de l’ombre à la lumière

Bio. Son atelier est dans le quartier de l’Académie de Platon. Sculpteur, Kostas est lauréat du prix Deste 2013, qui récompense un artiste grec de moins de 40 ans. Son travail, souvent suspendu, tourne autour du corps, du mouvement. Récemment, il a collaboré avec des aveugles, comme pour Of Item’s Free Will ,une pièce couleur céladon, aux couches de plastique superposées. «J’ai pensé aux immeubles qui se construisent et s’écroulent autour de chez moi»…une métaphore de la ville.
Apprendre d’Athènes…«La fluidité…Le passé est fort, le présent est fort. Les choses changent, tout est mouvant. Comment croire aux idées, aux corps ? Cela requiert de notre part une adaptation active.»
Une ville, trois mots : «Lumière, ombre, réflexion. Ces trois éléments ont participé à la formation des Athéniens.»

Elina Kountouri, une tête de l’art

Bio. Ex-juriste dans le transport maritime, elle a fait de sa passion un métier. Depuis sa création, en 2013, Elina dirige la fondation Neon, créée par le collectionneur Dimitri Daskalopoulos. Sans domicile fixe, Neon a pour credo : «Notre espace est la cité.» Autrement dit, montrer l’art dans la ville. Exemple : Tino Sehgal reformulant sa situation, où une petite fille entame le dialogue avec le public : «Que penses-tu de la crise économique ?» «En pleine agora, en 2014, cela prenait tout son sens», souligne Elina.
Apprendre d’Athènes… «Les Athéniens sont très résilients. Le lien social est plus fort ici qu’ailleurs, en dépit des batailles politiques (le référendum de 2015 sur la crise de la dette). Nous sommes un petit pays avec lequel, à différents moments de l’Histoire, il a fallu négocier.»
Une ville, trois mots : «Un paradoxe, une ville ouverte, un pont entre les cultures.»

Jeff Koons : "Dalí est le mentor qui m’a le plus marqué"

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Jeff Koons

Le plasticien Jeff Koons.

Le plasticien américain s’apprête à dédier une œuvre colossale, le Bouquet de tulipes, aux Français victimes des attentats.

Madame Figaro. - Jongler avec les projets, est-ce une façon de conserver un œil neuf ?
Jeff Koons. -
Tout à fait. Prenez l’idée du Bouquet de tulipes par exemple : un jour, je tenais un bouquet de tulipes rouges, et j’ai pris conscience que cette image ressemblait en tout point à la flamme que tient la statue de la Liberté. Quand Jane Hartley, alors ambassadrice des États-Unis en France, m’a demandé si je voulais créer une pièce qui ouvrirait un dialogue entre les Français et les Américains, je me suis souvenu de cette image de tulipes, et je me suis dit que cela servirait de base à ce projet. Il n’y a que onze tulipes (au lieu de douze), car ce manque symbolise la perte de ces êtres humains, victimes des attaques terroristes. Les couleurs chatoyantes, à l’inverse, représentent l’optimisme que nous devons conserver pour aller de l’avant, l’amour et le soutien que nous pouvons nous apporter.

Vous avez donné une conférence en juin à Fontainebleau, dans le cadre du Festival de l’histoire de l’art, sur votre passion pour les musées et la collection d’œuvres d’art. Quelle œuvre rêveriez-vous de posséder ?
Oh, il y en a tellement… Je me sens très chanceux de pouvoir admirer dans nos musées toutes ces œuvres qui nous entourent, de puiser en elles toutes ces informations, de comprendre le travail de l’artiste. L’art, c’est la célébration de la réussite à s’aimer les uns les autres. L’art véhicule cette transcendance. Tout part de nous.

Quelle œuvre d’art auriez-vous aimé avoir créée ?
Je ne l’ai pas encore faite ! L’œuvre idéale sera celle qui pourra exercer une liberté totale et me permettre d’expérimenter un niveau supérieur de notre conscience universelle.

Quel est votre devise ?

Pas une devise, mais plutôt la croyance forte que nous sommes perpétuellement des êtres en devenir.

Le casting d’un dîner idéal ?
Si je me limitais au XXe siècle, il y aurait Picasso et Duchamp. Et Manet et Courbet si l’on pouvait remonter au XIXe siècle.

Une rencontre qui vous a marqué ?
J’ai eu plusieurs mentors quand j’étais plus jeune, dont Dalí, qui m’a le plus marqué. J’avais 18 ans, et il était si généreux, à me donner de son temps, à me montrer son exposition à New York. Je me souviens de m’être dit en rentrant chez moi ce soir-là : moi aussi, je peux faire ça, être un artiste, être impliqué dans ce dialogue.

Votre livre préféré ?
« Ou bien… ou bien… », de Kierkegaard.

Le comble du luxe ?
La famille. C’est la plus grande joie au monde, l’expérience la plus excitante.

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Bogota, la fièvre de l’art

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Bogota, la fièvre de l'art

Une peinture murale dans le district populaire de Santa Fe.

Le marché de l’art est en train d’éclore dans cette ville dynamique et festive. En tournant la page de la guérilla, la capitale colombienne laisse s’épanouir une créativité effrénée et attire de plus en plus d’artistes, de galeristes et de collectionneurs.

Au souffle des explosions qui secouaient hier la Colombie, enlisée dans sa guerre avec les rebelles des Farc, succède aujourd’hui le souffle d’une liberté d’esprit retrouvée. Pacifiée, Bogota vibre de tous ses quartiers. Restaurants, spectacles, secteurs anciens ou tendance font recette. Les foules accourent et les rues swinguent. Dans ce maelström, l’art est à la fête, car la Colombie est en passe de devenir une terre bénie pour la création contemporaine.

Trois quartiers arty

Bogota, la fièvre de l’art

<p>Les tours BD Bacatá sont à l’image du dynamisme local. Ce complexe, le plus haut du pays, a bénéficié du crowdfunding de 30 000 Colombiens.<br />
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Il suffit de se déplacer dans Bogota, la capitale, pour le constater. On savait son offre de musées pléthorique (musée de l’Or, musée de l’Émeraude, musée Botero, musée d’Art de la Banque de la République…), mais c’est maintenant aux galeries d’art de s’y épanouir. Trois secteurs de la ville, que ses habitants ont baptisée « la saucisse » tant elle s’étire du nord au sud, calée contre la chaîne andine, présentent désormais trois types d’œuvres et d’artistes.

Le plus ancien est situé non loin de la Zona Rosa, rendez-vous des fêtards et des noctambules. Là, autour des quartiers de Chapinero et de Teusaquillo, s’alignent les galeries traditionnelles telle Casas Riegner, dont le pedigree lui vaut la visite d’une ribambelle de clients amateurs d’artistes confirmés. La deuxième, plus punchy, s’étend dans La Macarena, non loin de La Candelaria, ce Montmartre colombien célèbre pour ses ruelles en pente et ses maisons coloniales bariolées. La Macarena voit s’ouvrir à touche-touche des galeries et des espaces d’exposition dont l’audace et le sérieux en font un site de découverte de premier plan. La proximité des grands musées, hauts lieux touristiques, draine une population avide de découvertes. Déjà, plusieurs bâtiments reconvertis y fleurissent - une ancienne école investie par la galerie NC-Arte ou des entrepôts de béton bruts accueillant la galerie El Dorado, par exemple.

Enfin, plus au Nord, un secteur informel et bouillonnant, prend ses aises dans le coin de San Felipe. Là, point de cafés, de restaurants ni de vie de quartier comme à La Macarena, mais de nombreuses galeries qui poussent dans d’anciens ateliers et hangars d’usine. Une ambiance loft y prend ses aises, avec ce petit plus (ou ce moins) que sont les dures grilles de fer qui protègent tous ces lieux dédiés à l’art contemporain. Dans ce Bogota en pleine révolution pacifiste, la délinquance et la violence demeurent une constante - preuve par l’absurde que la bulle spéculative que l’on sent poindre sur le marché émergent de l’art colombien n’est pas la seule menace pesant sur les amateurs d’art en goguette.

Sur les murs

La Galeria Beta
La Galeria Beta, spécialisée dans les graffeurs: l’artiste Diego Mendoza Imbachi est intervenu sur les murs de brique.

Au fil des rues, la capitale s’affiche d’abord comme un livre ouvert. Ses pages s’étirent le long des carreteras, ses avenues tendues nord-sud, et de ses calles, ses rues axées est-ouest. Partout, les murs sont couverts de fresques, de graffitis, de peintures murales. Le marchand d’art Federico Ruiz en explique la genèse : « À Bogota, les graffitis n’ont jamais été l’apanage des gangs, mais constituent un art officiel promu par l’ex-maire indépendant, le fantasque Antanas Mockus (célèbre pour avoir baissé son pantalon, alors qu’il enseignait à l’université, pour attirer l’attention de ses étudiants, qui ne l’écoutaient pas). Résultat, ils ont été réalisés de jour et partout. » Les découvrir est l’occasion d’une promenade passionnante dans le secteur pincé entre les rues 26 et 18, moment privilégié pour visiter, au passage, le Centre de la mémoire, de la paix et de la réconciliation implanté dans un cimetière autrefois réservé aux plus démunis. L’artiste Beatriz González y a réalisé une œuvre poignante, dessinant en ombres chinoises, sur les 9 000 dalles funéraires, deux êtres portant le corps d’une victime de la violence, paysan, rebelle, soldat, tous ramenés à la même condition de corps inanimé.

Le bon tempo

Cette effervescence qui parcourt la capitale n’aurait pu voir le jour sans la création de la foire d’art contemporain de Bogota (Artbo) en 2005, sous l’égide de la chambre de commerce de la ville, qui a eu un effet coup de fouet sur le marché colombien. Restent des points faibles : une aide de l’État maigrelette, un ministère de la Culture sans vision, des investissements de grandes entreprises privées balbutiants. « Tant que la Colombie n’aura pas son pavillon à la Biennale de Venise, symbole et reconnaissance suprême, nous resterons à l’écart du marché mondial », analyse le collectionneur José Darío Guttiérez. C’est donc le bon moment pour s’y rendre, car les artistes s’y tiennent encore en marge du grand mouvement international, mais plus pour longtemps. Attirés par le centre, ils s’en rapprochent, et les prix grimpent - tout comme la ville, perchée à 2 600 mètres et qui se hisse jusqu’à 3 200 en haut de Montserrate. Magnifique offre de panorama, mais redoutable expérience physique d’altitude. Une morale, en quelque sorte : quand l’art est au sommet, il faut payer de sa personne pour en jouir à foison.

5 personnalités de la scène locale

María Paz Gaviria, des beaux-arts à l’Artbo

María Paz Gaviria
María Paz Gaviria grande prêtresse d’Artbo, la foire d’art contemporain de Bogota.

Qui ? Elle est la grande prêtresse d’Artbo, la foire d’art contemporain de Bogota, qu’elle dirige depuis 2012. « Plus de 150 galeristes y participent désormais, dont certains français, comme Jérôme Poggi. Nous nous inspirons d’ailleurs du modèle de la Fiac de Paris. Il est certain que le processus de paix cristallise tous nos espoirs. Comme le Mexique et le Brésil, la Colombie prend sa place sur le marché international. » Son père, un ancien président de la République de Colombie, est aussi l’un des plus grands collectionneurs du pays. Son appartement a des allures de resserre du Louvre (peintures, armures de samouraï, sculptures, installations…). Formée à bonne école, María Paz, 33 ans, est elle-même acheteuse d’art contemporain.

Son actualité : elle prépare la future session d’Artbo, en octobre.

Johanna Calle, délicate et intense

Johanna Calle

<p>Johanna Calle artiste de 52 ans.</p>

Qui ? Cette grande artiste de 52 ans développe un art très personnel du dessin. Obsédée par le silence, les signes, la quête, elle poursuit une œuvre épurée, nourrie d’écriture et de poésie. Timide, elle cède la parole à son mari, Julio Pérez Navarrete, antiquaire et collectionneur d’archives photographiques : « Le stéréotype d’hier voulait que l’on fuie une Colombie de drogue et de violence. Le stéréotype d’aujourd’hui est que le pays serait soudain en paix. Attendons. » Tous deux déplorent le peu d’intérêt du secteur privé pour les artistes et l’absence de tout projet de maison de la photographie. Mais reconnaissent que l’époque est florissante et pleine d’énergie.

Son actualité : deux expositions à l’occasion de l’année France-Colombie, l’une à Paris et l’autre dans le cadre des Rencontres d’Arles.
Dibujos/Dessins, Maison de l’Amérique latine, à Paris, 11 octobre-20 décembre. La Vuelta, exposition collective, à Arles, jusqu’au 24 septembre.

Tomas Ochoa, artiste explosif

Qui ? C’est à partir de grandes photographies que cet artiste équatorien, installé en Colombie, a réalisé sa série intitulée Paraíso - Línea Negra (paradis, ligne noire). Sur ces images prises dans des zones de conflit, le bientôt quinquagénaire dépose de la poudre à canon, qu’il enflamme. Ainsi son art sent-il la poudre comme le pays tout entier, quand bien même les paysages qui résultent de cette pratique quasi chamanique semblent apaisés. À Bogota, il a installé son atelier dans la maison de l’incontournable collectionneur et dénicheur de talents Pedro Franco, au sommet de La Candelaria, le quartier pittoresque de la capitale.

Tomas Ochoa

<p>Tomas Ochoa, artiste équatorien, installé en Colombie.</p>

Son actualité : dans les six prochains mois, il va enchaîner les expos et participer à plusieurs foires de photos et d’art contemporain en Colombie, au Pérou et au Mexique.

Vicky Turbay, un musée à domicile

Vicky Turbay
Vicky Turbay

Qui ? Tous les VIP connaissent l’appartement du couple que forment Vicky Turbay (52 ans) et José Darío Gutiérrez (58 ans). « Quand le président de la République reçoit un autre chef d’État, il nous l’envoie », révèlent-ils. Pour preuve, durant notre passage, Vicky Turbay prend un appel de… George Clooney, désireux de faire la visite de leur collection exceptionnelle. Il y a de quoi ! Un somptueux Botero première période, abstrait, est accroché dans le salon. Puis ce sont des paysages de l’école dite de la savane, du mouvement Bachué, les premières représentations de femmes et d’hommes noirs (sacrilège, à l’époque), l’influence américaine, l’art pop, le surréalisme… La flamboyante histoire de la peinture colombienne se lit au fil des pièces.

Son actualité : la tournée des foires, de Buenos Airesà Los Angeles, en passant par Lima. Pour acheter, encore et toujours.

Claudia Segura, diffuser la culture

Claudia Segura

<p>Claudia Segura, directrice du NC-Arte.</p>

Qui ?« Nous vivons un boom exceptionnel », affirme Claudia Segura. Directrice du NC-Arte, un centre d’art financé par la fondation Neme, spécialisé dans les performances et l’éducation artistique pour les populations défavorisées (plus de 200 professeurs sont les relais de cette institution), la jeune femme peut se targuer d’une expérience en béton. À 32 ans, elle a exercé ses talents successivement à la Tate Gallery, au musée d’Art moderne d’Istanbul, à la fondation La Caixa, en Espagne. « Je suis arrivée au moment où tous les regards se portaient sur la Colombie. Les espaces privés dédiés à l’art se multiplient, surtout ici, à La Macarena. Bogota était en retard sur Medellin, où les gens sont fiers d’être de la région d’Antioquia. Cela change. L’excitation est palpable, l’air est effervescent. »

Son actualité : elle organise l’expo Towards an expanded reading, du collectif cubain Los Carpinteros, passionnante réflexion sur le processus de lecture. Au NC-Arte du 14 octobre au 27 janvier 2018.

Visite du Bogota arty

The Harmonist et son immense installation en forme de goutte d’eau

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"The Droplet"

The Droplet de Marcos Lutyens.

La maison de parfum The Harmonist associe art et écologie dans un impressionnant programme planifié sur une décennie. Première étape à Paris ce mois de septembre avec The Droplet, une installation monumentale en forme de goutte d’eau.

Cest un geste artistique ambitieux, doublé d’une aventure exaltante. Ce mois de septembre, la maison de haute parfumerie The Harmonist inaugure un vaste projet créatif qui s’étendra sur toute une décennie. Et voyagera dans le monde entier. Lancé par Lola Karimova-Tillyaeva, la créatrice de cette marque basée sur les principes du feng shui et l’équilibre entre le yin et le yang , ce programme présentera tous les deux ans une œuvre inspirée par l’un des cinq éléments qui composent l’univers, selon la classification chinoise – l’eau, la terre, le feu, le bois et le métal. Objectif : éveiller les consciences autour des enjeux liés au réchauffement climatique.

Une expérience multisensorielle

La première œuvre est exposée à la Monnaie de Paris, à compter du 6 septembre. Intitulée The Droplet (la gouttelette), elle rappelle l’importance de l’eau, élément indispensable à la vie et pourtant dramatiquement menacé dans plusieurs régions du globe, du fait de sa pénurie ou de sa pollution, ce qui entraîne de nombreux conflits. C’est l’artiste plasticien Marcos Lutyens qui a été choisi pour imaginer cette première œuvre interactive. « Dans un monde en perpétuelle mutation, composé d’une mosaïque d’impressions contradictoires et submergé par l’omniprésence des technologies digitales, la seule réalité que l’on peut véritablement expérimenter se trouve dans notre esprit, avance ce quinquagénaire anglais établi aux États-Unis. C’est pour ces raisons que j’ai choisi de mettre l’esprit de l’observateur au centre de mon travail. »

De fait, sa structure de 12 mètres de haut en forme de goutte d’eau fait vivre au visiteur une expérience multisensorielle, qui invite à mêler toucher, vue, odorat, ouïe. Face à cette installation à la fois monumentale et éthérée, on est sensibilisé de manière onirique à la nécessité de protéger l’eau et le climat. Plongés dans un état contemplatif, nos sens s’apaisent. Une fine brume se dépose sur notre peau. On sentira peut-être une odeur de métal, élaborée en collaboration avec l’Institute for Art and Olfaction de Los Angeles pour rendre hommage à ce lieu parisien où pièces et médailles étaient frappées autrefois. Enfin, une bande-son diffuse des bruits d’eau, des voix, des atmosphères qui nous font voyager dans l’Histoire – Révolution française, révolution industrielle, débuts de l’énergie à vapeur – et nous transportent dans différentes époques chimériques ou pastorales mais évoquent aussi inondation, sécheresse et autres catastrophes bien réelles engendrées par le bouleversement climatique.

Mobiliser l’art pour susciter réflexions

"The Droplet"

L’artiste Marcos Lutyens devant son œuvre interactive The Droplet (la gouttelette), avec la mécène Lola Karimova-Tillyaeva.

« Le visiteur est projeté dans une expérience qui va au-delà du rêve ou de la réalité augmentée, poursuit Marcos Lutyens. Le but est de nous ouvrir les yeux, de nous reconnecter à l’environnement pour comprendre comment mieux le protéger, pour que chacun d’entre nous agisse à son niveau, là où il se trouve. Je veux provoquer un sentiment d’urgence, et même un choc émotionnel sur ces questions écologiques, trop souvent perçues comme une abstraction politique qui ne nous affecte pas personnellement, car elles sortent de notre champ de vision habituel. Ou parce qu’elles évoluent trop lentement pour être remarquées. »

Plus globalement, le projet à la fois engagé et poétique de The Harmonist correspond aux exigences de Lola Karimova-Tillyaeva, qui sélectionne pour ses fragrances les matières les plus nobles et les plus respectueuses de la nature. Pourquoi ce nom, The Harmonist ? « L’harmonie est la source de la beauté, répond-elle. Si on ne protège pas l’environnement, l’équilibre entre les éléments se rompt. » Fascinée depuis son plus jeune âge par le pouvoir des parfums et philanthrope engagée sur les questions environnementales, la créatrice ouzbèke a décidé de mobiliser l’art pour susciter réflexions et débats autour de l’avenir de notre planète. « C’est un moyen très efficace pour inspirer, encourager et unir les gens autour d’une cause », ajoute-t-elle.

Après son escale à Paris, The Droplet circulera pendant deux ans dans différentes villes du monde, choisies pour leur relation spécifique à l’eau. Segundo Broggi, directeur général de The Harmonist, énumère quelques villes qui participeront à cette initiative : « Nous avons pensé à Dubaï, qui s’est développée grâce à l’eauet qui est devenue l’un des centres économiques les plus puissants au monde ; à Kochi, en Inde, où cette même eau joue un rôle critique par sa rareté ; à Sydney, où l’élément liquide est plus récréatif, avec l’opéra, le surf et la voile. L’exposition passera aussi par Venise, sans doute le meilleur exemple du rôle prépondérant de l’eau. Après avoir contribué à en faire l’une des plateformes de commerce les plus puissantes en Europe, cette même eau la menace aujourd’hui d’extinction. » 

The Droplet, à la Monnaie de Paris, du 6 au 20 septembre.

Les icônes du Pop Art exposés au musée Maillol

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"Girl in Window" (Study for World’s Fair Mural), Roy Lichtenstein

Girl in Window (Study for World’s Fair Mural), Roy Lichtenstein, 1963.

À partir du 22 septembre 2017, le musée Maillol reçoit le Whitney Museum of American Art pour une exposition exceptionnelle d’œuvres maîtresses du pop art.

C’est une histoire de visionnaire digne du rêve américain : la sculptrice, collectionneuse et mécène Gertrude Vanderbilt Whitney (1875-1942) fonde le Whitney Studio en 1914 à New York (Greenwich Village) pour soutenir ses compatriotes artistes. En 1930, elle crée son musée. Deux déménagements plus tard, le Whitney Museum, devenu le temple incontournable de l’art et des artistes américains, abrite 23 000 œuvres des XXe et XXIe siècles dans un bâtiment signé Renzo Piano, juste à côté de Ground Zero…

Dans cette histoire fulgurante de l’art made in America, le pop art joue un rôle pivot. En réaction à l’expressionnisme abstrait, de jeunes artistes créent dans les années 1960 et 1970 une forme d’art nouvelle, réaliste, irrévérencieuse, joyeuse et éclectique, en introduisant dans leurs pièces les objets de la vie quotidienne, les codes de la publicité, les modes de production industrielle. Comme le montrent les soixante-cinq œuvres exposées, signées Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Roy Lichtenstein (ci-dessus), Tom Wesselmann, Andy Warhol, Edward Ruscha, James Rosenquist, Claes Oldenburg, George Segal ou Alex Katz… « Le pop art regarde le monde, il semble accepter son environnement qui n’est ni bon ni mauvais, mais différent. Un autre état d’esprit », souligne Roy Lichtenstein.

Pop Art, Icons That Matter, collection du Whitney Museum of American Art, du 22 septembre au 21 janvier, musée Maillol, Paris.


Le design et l'art n'ont jamais fait autant salon

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Le design et l'art n'ont jamais fait autant salon

Expériences insolites, galeries appartements, boutiques aux allures de maison ...

Expériences insolites, galeries appartements et boutiques aux allures de maison, l'art se métamorphose, et durant la FIAC, les happenings décoratifs se multiplient.

Un bouquet de 32 ballons signé Matteo Gonet (Tools Galerie, Paris). Un salon d’hiver conçu par les paysagistes des Mauvaises Graines, un lieu où tout était déjà à vendre, des céramiques animalières d’Alexandre et Florentine Lamarche-Ovize au vin au Domaine Otazu.
200 m2 avec vue sur la Seine. Parquet en chevrons et belle hauteur sous plafond. Pour la cinquième année consécutive, Nadia Candet organise «Private Choice», écrin d’une collection éphémère et inédite d’art et de design. Une «fusion libre» de Guillaume Rude (480 euros) côtoie ici une œuvre en marbre de Ryan Gander (Galerie GB Agency, 21 780 euros). Les prix ne sont pas affichés. L’adresse est tenue secrète. Il faut s’inscrire. Prendre rendez-vous. Comme pour mieux retrouver le temps de flâner, d’observer, d’être reçu, de se laisser séduire dans ce qui ressemble moins à une galerie qu’à la maison d’un collectionneur désireux de faire partager ses coups de cœur.

Un univers particulier

En 2008, Nadia Candet, fille d’antiquaire spécialisé dans les arts d’Orient, signait un livre dédié aux Collections particulières, 160 commandes privées d’art contemporain en France (Flammarion). Le livre est épuisé, le voile s’est levé. On ne compte plus les expositions, les événements liés à ces mises en lumière. «J’ai voulu aller plus loin, passer au 3D.» Et de préciser : «Je fais mes choix dans les galeries et les foires au cours des neuf premiers mois de l’année. Cela va des années cinquante à nos jours.» Dans la chambre conçue comme un univers onirique, Louis Granet a peint des chimères sur les murs, le duo Bless signe une parure de lit en trompe l’œil. Qui vient ici ? «Le public confirmé qui achète en galeries autant que les primo-accédants. Tout vient du premier marché.»

Dans les pièces reconstituées selon les usages, la salle à manger occupe sans doute la place la plus poétique. Une «acropole attardée» d’Edgar Sarin jouxte le téléviseur signé Ronan & Erwan Bouroullec pour Samsung… La contemplation aurait-elle cédé la place aux conversations ? «C’est plutôt un clin d’œil à l’atelier de Brancusi, assure Nadia Candet. J’ai voulu éviter le côté trop bourgeois.»

Happenings décoratifs

Tout se passe comme si les choses d’hier étaient devenues des possibilités d’expériences, des invitations in persona. Plus le goût se standardise, plus le cabinet particulier revendique sa part d’exception. L’utile se met en scène, le beau doit se prêter à la loi du tactile et du précieux. Entre le 19 et le 23 octobre, le Carré Rive Gauche organise, dans le cadre d’Art Élysées, «le voyage onirique d’un collectionneur italien». Le succès de la revue italienne Cabana en témoigne : le cabinet de curiosités, la folie retrouvée des panoramiques (Zuber, Maison Vincent Darré, Galerie Anne Sophie Duval) sont les nouvelles pièces à conviction d’une époque en quête d’âme et de happenings décoratifs. À Paris, au 13, rue Royale, la Maison Vincent Darré donne le ton, au cœur d’un théâtre d’affinités où passé et présent conversent à travers le jardin carnivore peint par les ateliers Poulaillon, les sculptures de Mathias Kiss et les meubles (canapé Chimère, miroir Licorne) : «La décoration est l’exemple d’une maison bien particulière, la palette de mes envies avec la volonté de les faire partager en toute intimité», assure Vincent Darré, qui parle de promenade dans son univers.

Ces boutiques qui se métamorphose

Le design et l'art n'ont jamais fait autant salon

Le showroom India Mahdavi de la rue Las Cases, à Paris.

Tandis que les frontières entre art, art décoratif et design se décloisonnent, la pièce unique, la série limitée justifient des environnements de plus en plus intimistes. On voit ressurgir ici et là des boudoirs, autant que des alcôves, à l’image de celle qu’Elliott Barnes a conçue en septembre dernier, lors de l’événement AD organisé autour de dix architectes et décorateurs sur le thème «L’art et la matière» à l’hôtel de la Monnaie. En 2014, cet ancien collaborateur d’Andrée Putman faisait dialoguer au Musée Carnavalet des pièces contemporaines avec le XVIIIe siècle. La recherche d’authenticité fait le jeu de l’illusion grandeur nature : on l’a vu avec l’ouverture en 2014 de «Chez moi», par Jean-Baptiste Charpenay-Limon, au 25, rue Hérold, un concept store et lieu de vie à la fois, où tout est à vendre. Et aujourd’hui, avec «Maison de Vacances» qui vient d’élire domicile rue de Cléry, en plein Silicon Sentier : «un lieu repensé comme l’intérieur d’une maison où il fait bon vivre pour se retrouver ou s’évader».
Jeux de rôles, glissements progressifs de la vie en mode bobo. Sézane a ouvert cet automne un flagship à New York, Intropia inaugure une boutique dans un appartement…

L’heure est désormais aux galeries d’art à vivre, comme aux parcours privés et aux chasses aux trésors de cultureparis.com. Les livres chuchotent leurs secrets aux sacs, les œuvres se louent, l’artothèque éphémère s’adonne au selfie géant. Tout se scénographie. C’est dans la suite de Chanel au Ritz (et d’autres en enfilade) que la maison de couture a imaginé en 2016 une mise en scène de la collection Métiers d’Arts. Voici venu le temps des présentations en appartements, celle du premier parfum Manoush Arora, lancé en février prochain, était organisée chez lui cette semaine. Au moment où le commerce se dématérialise, les boutiques se métamorphosent en lieux de vie, à l’image de la nouvelle maison Louis Vuitton sur cinq étages place Vendôme, où l’on retrouve les Objets Nomades signés India Mahdavi, les frères Campana ainsi que des pièces vintage. Cette surexposition d’un chez soi idéalisé pour femmes et hommes pressés en quête de temps libre est devenue un véritable phénomène. En novembre 2016, AM.PM ouvrait son premier «magasin appartement», un espace de 300 m2 agencé par François Bernard. Quatre points de vente de ce type ont depuis été inaugurés. L’idée est de se «projeter dans les différentes pièces d’un appartement parisien, à la modernité douce et confortable».

De l'art, comme à la maison

Camille Henrot, l’artiste qui investit le palais de Tokyo

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Camille Henrot.

Camille Henrot.

Le palais de Tokyo confie ses 22 000 mètres carrés et une carte blanche à cette artiste de 39 ans. Son œuvre protéiforme, ultramoderne et nourrie de références culturelles se lit comme un condensé de vie… et interroge notre rapport au temps.

Quand Camille Henrot se raconte, sa pensée active déploie comme un origami joueur un mélange savant d’associations d’idées et de références pointues, d’humour et de passion. À l’image de son travail pluridisciplinaire et terriblement contemporain qui associe dessins, films, sculptures, installations, fresques… « Elle amène avec elle une mémoire longue, avec une grande puissance. Elle porte une vision artistique, anthropologique de l’histoire de l’humanité, du faire, de la pensée symbolique », s’enthousiasme Jean de Loisy, le président du palais de Tokyo. Une vision large à l’origine de Grosse Fatigue, ce film électrisant et profond sur l’évolution du monde qui lui a valu le Lion d’argent de la Meilleure Jeune Artiste à la Biennale de Venise en 2013, la reconnaissance internationale et une pluie d’invitations, de prix et d’expositions. Pour sa carte blanche, au titre - Days Are Dogs - poétique et mystérieux, elle a rassemblé une centaine d’œuvres anciennes et nouvelles, disposées selon les jours de la semaine, auxquelles elle a associé quelques pièces d’artistes invités qui lui sont proches. Plongée dans le vaste univers d’une artiste à part.

Palais de Tokyo

"Derelitta"

Dans l’exposition, la sculpture Derelitta (2016) se trouve dans la partie consacrée au lundi. Jour de la Lune, situé dans le fil du week-end, l’effet psychologique de celui-ci paraît agir sur le personnage d’une jeune fille apathique.

Au début, Camille Henrot a un peu paniqué, forcément, devant l’ampleur du projet. Assez vite pourtant, elle a compris qu’elle aimait « créer une installation qui soit un espace autonome, un espace de vie autosufisant, une "maison absolue". J’aime penser un ensemble, envisager l’exposition comme un terrain de jeu, une expérience globale ». Est-elle consciente du risque qu’elle prend en s’exposant ainsi ? « Je n’ai pas tellement le temps d’y penser : il y a beaucoup de nouvelles pièces, et l’excitation est plus forte. » Et puis, ses œuvres lui permettent de se mettre à distance : elles forment un mur métaphorique derrière lequel elle peut se cacher.

Inspirations

À l’origine de l’exposition, un long été pendant lequel elle a lu Ulysse, de James Joyce : un mélange de récit épique et de situations humaines et universelles, auquel elle associe À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust, et la Conscience de Zeno, d’Italo Svevo. Trois chefs-d’œuvre du XXe siècle, écrits à la même période. Trois écrivains surtout qui se sont attaqués à un projet hyperambitieux avec humilité… Elle évoque ensuite la Dépendance (1979), d’Albert Memmi : « Un médecin qui embrasse toutes les dépendances avec empathie, sans jugement moral : la dépendance à la famille, au travail, à l’alcool, à la religion, à la drogue… » Une notion large et essentielle à son projet - la dépendance comprise comme un élément structurant de la vie -, qui lui permet d’aborder les problèmes humains avec bienveillance et curiosité.

Semaine

"Jewels From the Personal Collection of Princess Salimah Aga Khan"

Dans Jewels From the Personal Collection of Princess Salimah Aga Khan (2011-2012), Camille Henrot fait apparaître une page de catalogue de vente aux enchères et des fleurs séchées recueillies au hasard à New York. Symbolisme.

Le choix des sept jours de la semaine pour construire l’exposition en autant d’espaces découle de ces inspirations. Pour Camille Henrot, la semaine est une construction artificielle, abstraite, une façon de codifier le temps, le travail et le repos, une répétition ambivalente puisque aucun jour n’est jamais le même. « Je souhaitais que l’exposition ressemble à une expérience condensée de la vie. » Les noms des jours - tirés de noms de planètes qui sont aussi des dieux antiques : Vénus, à l’origine de « vendredi », en français et en italien ; Frigg, dont est issu « friday », « vendredi » en anglais, et qui est aussi la déesse de l’Amour ; Jupiter, qui donne son nom au jeudi ; Mars, au mardi - offrent « un contenu mythologique présent, même si on l’a un peu oublié, qui joue un rôle dans la manière dont nous imaginons ce qu’il recouvre ». Pour le lundi, le jour de la Lune, dans la prolongation du week-end, elle s’inspire des artistes qui travaillent dans leur lit. Mercredi, milieu de la semaine, le jour de Mercure, des communications, « emblématique de la façon dont nos perceptions ont été modifiées par la sphère digitale » occupe le plus vaste espace. « Il parle aussi de la domination des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon, NDLR) sur nos vies, des problèmes de transparence et de surveillance qui en découlent. »

L’artiste y montre, entre autres, The Office of Unreplied Emails, une installation à base de centaines d’e-mails formatés qu’elle a reçus de sites d’associations, de boutiques en ligne, de pétitions, et ses réponses personnelles soigneusement calligraphiées. Ou encore une série de dessins, d’arborescences et de téléphones, autant de hot lines virtuelles qui répondent à des questions intimes ou à des situations comme la gestion de l’autorité, les pervers narcissiques, l’infidélité, l’espionnage numérique… Des jours délimités qui, en réalité, s’alimentent et se contaminent les uns les autres, comme dans la vie.

New York

Il y a quelques années, Camille Henrot s’est installée à New York. L’expérience de ses premiers mois de vie dans une ville étrangère, le besoin de créer ses repères ont donné naissance à trois des pièces montrées dans l’exposition. Au début, la rétention douanière de son container d’affaires a provoqué une nouvelle forme artistique à travers ses ikebanas, ces arrangements floraux à la japonaise, qui racontent aussi une réflexion sur le pouvoir de consolation. Pour Jewels From the Personal Collection of Princess Salimah Aga Khan, elle a combiné un catalogue de vente aux enchères trouvé dans la rue, sur la 5e Avenue, et des fleurs cueillies dans les bacs des immeubles de l’Upper East Side : une façon de s’approprier la ville… The Pale Fox, accumulation très structurée d’œuvres et d’objets achetés sur eBay, lui a semblé pléthorique une fois le fameux container enfin reçu dans son atelier new-yorkais. Cette installation baroque, chaotique et réjouissante parle, comme Grosse Fatigue, « de la part sombre de ce désir de comprendre le monde, de le voir, de le collecter ».

Curiosité

Son œuvre embrasse une multitude de sujets : les cultures du Pacifique, l’iconographie, la religion, l’histoire des sciences, la musique contemporaine, l’image digitale… Cette apparente curiosité tous azimuts ne va pas de soi. Camille Henrot tire des fils qui décortiquent et inventorient ses obsessions, toujours les mêmes : les rapports à la règle et à l’exception, la nature, la solitude, le grégarisme, les émotions, la peur, le désir, la culpabilité, l’érotisme. Pourtant, « l’accumulation me permet parfois l’apparence de l’aléatoire, de quelque chose né du hasard qui correspond à la manière dont le monde nous apparaît. Tout arrive en même temps, sur un écran d’ordinateur comme dans la vie. L’esprit humain a besoin d’y trouver un sens, de remettre un ordre ». Comme l’organisation d’une semaine. La boucle est bouclée.

Le travail de Camille Henrot

Bio express

1978 : naissance à Paris.
2012 : participation à La Triennale, au palais de Tokyo.
2013 : Lion d’argent à la 55e Biennale de Venise.
2014 :The Restless Earth, New Museum (New York) ; The Pale Fox, à la Chisenhale Gallery (Londres) et au Bétonsalon (Paris), entre autres. Remporte le Nam June Paik Award.
2015 : participation à la Biennale de Lyon. Remporte l’Edvard Munch Award.
2016 : participation aux Biennales de Berlin et de Sydney. Camille Henrot est représentée par les galeries Kamel Mennour (Paris et Londres), Johann König (Berlin) et Metro Pictures (New York).

Camille Henrot, Days Are Dogs, jusqu’au 7 janvier au palais de Tokyo, à Paris et Testadi Legno, jusqu’au 25 novembre à la galerie Kamel Mennour.

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Sophie Calle, "l'artiste française la plus connue à l’étranger"

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Sophie Calle

Sophie Calle possède une centaine d’animaux naturalisés. Certains incarnent des proches décédés.

Sophie Calle a eu mille vies, qui façonnent son œuvre. Le musée de la Chasse, à Paris, a donné carte blanche à cette artiste inclassable. Visite privée d’une installation hors normes en compagnie de Sonia Voss, la commissaire de l’exposition.

Poêlée de girolles, carpaccio au caviar, baba au rhum… Sophie Calle déjeune au Club, la cantine chic du musée de la Chasse et de la Nature à Paris, théâtre de sa nouvelle exposition, Beau doublé, monsieur le marquis ! (1), dont elle partage l’affiche avec son invitée, Serena Carone. Tout est dans ce titre, emprunté à une vieille publicité télévisuelle pour une marque de cartouches. La référence à la chasse, le duo d’artistes, la connotation sociale, le déplacement ironique…, Sophie Calle ou l’art des titres. Il suffit d’en citer quelques-uns pour s’en convaincre, de Suite vénitienneà Prenez soin de vous en passant par Couleur aveugle. Évidemment, ce musée lui va comme un gant. Hôtel particulier dans le Marais, jardin à la française, peintures baroques, armes de chasse : un nouveau territoire à investir. Sans compter la collection d’animaux naturalisés d’Afrique, d’Amérique et d’Asie qui peut rivaliser avec la sienne.

Sophie Calle, qui a commencé par une tête de taureau en hommage à ses origines camarguaises, en possède une petite centaine de pièces. D’où un air de famille entre sa maison-atelier de Malakoff et la grande galerie de l’Évolution… Aujourd’hui, elle porte son trophée sur le dos, soit un chevreuil imprimé au verso de sa veste signée Paul Smith. Ne pas l’appeler Bibiche pour autant… Elle appartient au genre Diane chasseresse, traqueuse de proies et de vérité. Labellisée « artiste française la plus connue à l’étranger », elle vient de faire l’objet d’un spectacle – « C’est moi Sophie Calle » – et est aussi l’un des personnages d’un roman à clés de cette rentrée littéraire. Dans la réalité, elle a été femme de chambre, strip-teaseuse, a passé la nuit dans un péage d’autoroute, dormi en haut de la tour Eiffel, s’est fait suivre par un détective. Tenante de l’art narratif, plasticienne entre texte et image, elle a construit en quelques décennies une œuvre en forme d’ex-voto.

Un deux-à-deux onirique

Son travail s’abreuve à la même source – le manque, l’absence, le deuil–, et le pitch, toujours simple, tient en quelques lignes. Quand le musée de la Chasse lui a proposé une carte blanche, elle a répondu exposition à quatre mains. Serena Carone, sculptrice, est son amie de longue date. Sophie avoue même être sa première collectionneuse. Parmi ses œuvres, des mains en cire, une fontaine pleureuse, une chauve-souris… Si tout les sépare dans la forme, conceptuelle chez Sophie, figurative chez Serena, leurs œuvres dialoguent merveilleusement in situ, l’ours fantôme de l’une faisant écho au tapis en céramique de l’autre, un panneau de peaux de saumon en cire répondant à la quête d’inspiration baptisée Pêchez des idées chez votre poissonnier… Bref, le parcours est un deux-à-deux onirique, fantaisiste, aussi poétique que le langage de la chasse, que Sophie a découvert dans un ouvrage de Pierre-Louis Duchartre, avec ses expressions imagées, « La période du sang », « À l’espère », « Les fanfares de circonstance »… Et si « Beau doublé, monsieur le marquis ! » était un jeu de massacre ?

Sophie Calle : Décryptage en quatre œuvres par la commissaire de l’exposition, Sonia Voss

(1) Jusqu’au 11 février au musée de la Chasse et de la Nature, à Paris.

Philharmonie, Kunsthalle, galeries en folie : Hambourg, le nouveau port de l’art

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Symbole du renouveau urbain de la ville, l’Elbphilharmonie, vaisseau de brique et de verre dédié à la musique, abrite deux salles de concert.

Avec sa somptueuse philharmonie du futur posée sur l’eau, le port hanséatique réinvente l’horizon arty. Embarqués dans l’aventure, prestigieux collectionneurs, institutions pointues et curateurs visionnaires préparent la relève.

Hambourg avait presque oublié son port. C’est lui qui forgea son histoire en plaçant la ville sur la carte du monde dès le XIIe siècle. Pionnière dans la création de la Ligue hanséatique, qui reliait les villes marchandes d’Europe du Nord au XIIIe siècle, Hambourg possédait, dès les XVIe et XVIIe siècles, un code de commerce, une Bourse et une banque. De cette époque, la ville aura retenu deux éléments clés : une ligne de navigation directe avec l’Amérique et une devise, « Tor zur Welt » (porte ouverte sur le monde).

Quatre siècles plus tard, elle renoue plus que jamais avec son port et avec le monde. « Hambourg est une cité ouverte qui prône la diversité culturelle. C’est un épicentre. Elle cherche constamment à se renouveler, à se nourrir d’influences extérieures », expliquent Till Fellrath et Sam Bardaouil, le duo, coprésidents de la Fondation culturelle Montblanc, basée dans cette ville.

L’Elbphilharmonie, emblème de renouveau

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La grande salle de l’Elbphilharmonie compte 2 150 places et offre une acoustique exceptionnelle.

Figure de proue de ce renouveau, inaugurée début 2017, l’Elbphilharmonie propulse Hambourg au rang des grandes capitales culturelles internationales. Et même si le bâtiment, signé par les Suisses Herzog & de Meuron, a longtemps fait polémique, cet ancien entrepôt maritime, une fois surmonté d’un édifice en verre qui mime une mer déchaînée, est devenu l’emblème de la ville. Signe des temps, l’Elbphilharmonie accueillera la nouvelle collection Chanel des Métiers d’Art le 6 décembre prochain. Karl Lagerfeld a choisi de défiler dans sa ville natale, après des shows à Rome, à Shanghai ou à Dallas.

À l’intérieur de l’Elbphilharmonie, un nouveau monde s’ouvre sur un volume vertigineux : la grande salle de concert culmine à 50 mètres. Les différents balcons agencés en quinconce forment un organe fluide et vivant. Futuristes, les murs, un à un extrudés en quête d’une acoustique parfaite, absorbent les tuyaux de l’orgue comme un rideau graphique. Toutes les musiques s’expriment ici, sans filtre, comme une famille de timbres purs. L’acoustique est incomparable : même un murmure porte loin.

Si l’Elbphilharmonie s’inscrit dans la longue tradition musicale de la cité hanséatique - ville natale de Brahms et de Mendelssohn -, elle est aussi un symbole fort, une vigie de 108 mètres de haut au cœur de la nouvelle HafenCity. Sous ce nom de code, un gigantesque projet : le réaménagement d’une ancienne partie du port, à proximité immédiate du centre-ville, et la réhabilitation de 155 hectares, principalement d’anciens hangars ou entrepôts, situés aux confluents de l’Alster, de la Bille et de l’Elbe. Une démonstration en force que le futur de la cité s’écrira au contact de l’eau.

Autre fil rouge de Hambourg : l’art contemporain

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Parmi les chef-œuvres visibles à la Sammlung Falckenberg, cette installation de Jon Kessler.

Depuis 2001, la Sammlung Falckenberg expose la collection privée de Harald Falckenberg, rassemblée dès les années 1960. Depuis 2011, cet empire culturel - plus de 2 300 œuvres allemandes et américaines d’art contemporain - investit également les anciennes halles commerçantes sur le port : Deichtorhallen. « Depuis les années 1970, Hambourg a gagné un statut artistique indépendant par rapport à Cologne ou à Düsseldorf. La ville a même jeté les fondements de l’art contemporain allemand, avant que Berlin ne reprenne le flambeau », explique le collectionneur. « Tout a commencé à Hambourg, où vivaient et créaient des artistes majeurs comme Hanne Darboven, Anna Oppermann, Sigmar Polke ou Dieter Roth. Le mouvement punk, nihiliste et engagé a aussi contribué à renverser l’ordre alors établi », insiste Harald Falckenberg.

Hambourg-Manhattan

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Trait d’union entre le quartier historique de Speicherstadt et celui, récent, de HafenCity, le Fleetschlößchen (au centre) faisait partie de la douane de la ville-État au temps de la Ligue hanséatique. C’est désormais un café situé dans un quartier qui a fait l’objet d’un vaste projet de réaménagement.

À l’avant-garde artistique, Hambourg continue de tisser des liens avec les États-Unis et la scène new-yorkaise. Ainsi, la Kunsthalle rassemble des œuvres majeures d’artistes américains, comme Robert Morris, Sol LeWitt, Dan Graham ou Donald Judd. Avec Manhattan en ligne de mire, l’Elbphilharmonie inaugurait au printemps dernier le festival New York Stories avec le New York Philharmonic Orchestra. Au programme, les œuvres du compositeur américain John Adams, révélé par Nixon in China, partition phare de la musique contemporaine minimaliste (Grammy Award, 1988).

« Hambourg est une ville ouverte, une cité-monde, un modèle pour l’Europe », conclut Brigitte Kölle, directrice des collections de la Kunsthalle, qui travailla auparavant à New York pour le Dia Center for the Arts et le MoMA PS1. « Avec une vocation particulière à devenir une véritable plateforme culturelle ! »

Visite du Hambourg culturel

Les personnalités du Hambourg arty

Jenny Falckenberg, la défricheuse

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Jenny Falckenberg.

Qui ? Une jeune Hambourgeoise, héritière de la septième plus grande collection privée d’art contemporain au monde, la Sammlung Falckenberg, initiée par son père. Elle s’en est pourtant détachée, par des études de psychologie criminelle aux États-Unis, puis un diplôme en marketing, communication et design en Allemagne, avant de devenir agent d’artistes en 2009.

Quoi ?À la tête de l’agence Unique Art Concepts, elle déniche les talents artistiques allemands, promeut leur travail de Cologne à Hambourg, en passant par Berlin et Düsseldorf. Son credo ? S’affranchir du concept de galerie, qui requiert une mise de fonds pour régler le loyer : « Je travaille avec des développeurs immobiliers pour obtenir des espaces temporaires gratuits. Je préfère que l’artiste se concentre sur son travail plutôt que sur le loyer ! » À Hambourg, elle collabore avec le centre d’art contemporain Deichtorhallen. À Berlin, elle investit l’Art Week, organise des art dinners autour de la galeriste Anna Jill Lüpertz ou transforme des maisons berlinoises avec l’ancien tagueur de façades Christian Awe. L’objectif ? Composer un musée à ciel ouvert.

www.jennyfalckenberg.com

Christoph Lieben-Seutter, l’accordeur

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Christoph Lieben-Seutter.

Qui ? Le directeur le plus en vue du moment. Aux commandes de l’Elbphilarmonie, le paquebot architectural signé Herzog & de Meuron qui domine le port, cet Autrichien emporte l’une des plus puissantes philharmonies européennes, et non sans peine ! Depuis 2007, l’Elbphilharmonie a affronté toutes les polémiques : chantier en retard et perpétuel dépassement budgétaire. Dans la tourmente, il a tout orchestré d’une main de maître, jusqu’à la programmation d’une centaine de concerts cette année.

Quoi ? Une page blanche, une tâche immense, celle de créer une nouvelle référence culturelle dans l’une des meilleures salles de concert au monde. Depuis novembre 2016, sa vision prend forme : les plus grands interprètes s’y sont déjà illustrés (Kent Nagano, Riccardo Muti, Mitsuko Uchida, Brad Mehldau, Yo-Yo Ma), et le bâtiment a vu quelque 1,5 million de visiteurs franchir ses portes. Si la musique classique est au cœur du programme, les salles s’ouvrent à tous et à toutes les musiques.

Till Fellrath et Sam Bardaouil, les libertaires

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Till Fellrath et Sam Bardaouil.

Qui ? Paire atypique, le duo de commissaires indépendants dirige Art Reoriented, entre Munich et Paris, ainsi que la Fondation culturelle Montblanc, à Hambourg. Le fil rouge de leur travail ? « Ouvrir la discussion pour décentrer le rapport de l’art contemporain aux grandes capitales. » Leur dada ? La périphérie, les nouveaux axes d’expression créative. À l’image de l’exposition sur le surréalisme égyptien - tombé dans l’oubli - présentée au Centre Pompidou puis au Musée Reina Sofía de Madrid.

Quoi ? De leur empreinte visionnaire, Till et Sam ont marqué le monde, du Liban à la Chine, en passant par Doha, São Paolo et Sydney. Car chacun de leur projet culturel est sous-tendu par une devise : « Rester rigoureusement intertemporel, transculturel et mélanger les disciplines ». Une approche qu’ils appliquent au prix Montblanc des Arts et de la Culture. Leur outil ? Élire un curatorium, comité haut en couleur composé de personnalités internationales (Jean de Loisy, directeur du Palais de Tokyo, ou Anne Barlow, directrice de la galerie new-yorkaise Art in General et directrice artistique de la Tate St Ives , en Grande-Bretagne). Leur ambition ? Ouvrir le champ des possibles et apporter une vraie politique de mécénat, où qu’ils aillent. Visionnaire.

Andrea von Goetz und Schwanenfliess, l’électron libre

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Andrea von Goetz und Schwanenfliess.

Qui ? Une collectionneuse, philanthrope et passionnée d’art. Depuis dix ans, cette jeune mère, diplômée de psychologie, soutient les artistes de sa génération. Rien ne la prédisposait pourtant à devenir une actrice majeure de la scène hambourgeoise ni à remporter le prix Montblanc des Arts et de la Culture en 2016. Des femmes artistes, comme Maria Brunner, Sabrina Fritsch, Hanna Nitsch et Jorinde Voigt, qu’elle expose et dont elle se sent proche.

Quoi ? L’ouverture de Collectors Room dans un quartier huppé, à deux pas de la galerie référence Vera Munro. Galerie d’un nouveau genre, elle y expose des artistes de sa collection, fait peu de distinction entre privé et public. Son credo ? Promouvoir l’art sous toutes ses formes, créer des ponts et des plateformes d’expression. À Bad Gastein, en Autriche, elle a d’ailleurs fondé la Sommer Frische Kunst en 2011, une résidence d’artistes estivale qui a donné lieu à un festival culturel.

Brigitte Kölle, la magicienne

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Brigitte Kölle.

Qui ? Une commissaire d’exposition chevronnée. Après le Musée Fridericianumà Kassel, le Dia Center for the Arts à New York ,la collection privée Froehlichà Stuttgart ou la Kunsthalle Portikusà Francfort, cette quadragénaire a pris les rênes de la collection d’art contemporain de la prestigieuse Kunsthalle de Hambourg en 2012.

Quoi ? Sous son patronage, l’institution s’exprime, et l’art contemporain change de perspective. Brigitte Kölle s’est mis en tête de dépoussiérer le fond du musée. Résultat ? Un trio d’expositions répondant au nom de code Honey, I Rearranged the Collection(Chérie, j’ai réarrangé la collection). Second temps fort, l’exposition Help Me, Hurt Me - Between Care and Cruelty (jusqu’au 7 janvier) explore les relations entre les êtres humains de la cruauté à la tendresse. Au cœur de cette démonstration, une œuvre rare de Bruce Nauman célèbre le 75e anniversaire de l’artiste. À (re)découvrir aussi, des pièces signées Nan Goldin, Paul McCarthy, Annette Messager, Bruce Nauman, Sigmar Polke ou Gerhard Richter.

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Diamant brut de l'Afrique du Sud, Le Cap est en pleine métamorphose

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Le Cap s’impose comme une nouvelle destination culturelle

Vaisseau spatial ou ruche d’abeilles ? On hésite, bouche bée, sous les tonnes de béton et de verre du le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA).

Reportage. - Le Cap s’impose comme la nouvelle destination culturelle de l'Afrique. Après avoir redonné vie à des usines et entrepôts désaffectés, la ville a inauguré cet automne un spectaculaire musée d’art contemporain dans un ancien silo, quelques mois avant le Cape Town Art Fair.

Six heures du matin. Les murs roses du légendaire hôtel Belmond Mount Nelson ne suffisent pas, aujourd’hui, à égayer l’atmosphère. Le ciel est bas et, sous ce gris laiteux, la montagne de la Table a des airs inquiétants. Le taxi lui tourne le dos pour nous déposer au pied de la Tête de Lion, l’autre montagne qui doit son nom à sa forme évocatrice. Pour caresser la « crinière » du roi des animaux, il faudra grimper 669 mètres sur un pic rocheux. À 6h15, déjà, les plus sportifs en redescendent en courant, Rihanna rythmant leurs pas grâce à un téléphone portable en guise de Ghetto-Blaster. Ont-ils vu le lever du jour ? Soudain, les voix d’un gospel semblent surgir du cœur de la montagne, donnant la chair de poule. L’ascension prend un tour mystique et se fait plus rude. Le chemin se rétrécit, tutoyant le vide jusqu’à mener à une échelle et des chaînes.

Et puis, le vertige s’installe, paralysant les mouvements. Nous n’irons pas jusqu’au sommet mais peu importe. La vue est superbe, embrassant les flots de l’Atlantique d’un côté, la montagne de la Table de l’autre et, en bas, la ville du Cap. On y devine le quartier malais de Bo-Kaap aux maisons colorées, le port et les docks du V&A Waterfront, lieu de promenade mêlant boutiques pour touristes, shopping malls et restaurants. C’est là que le Musée Zeitz d'art contemporain africain (Zeitz MOCAA) s’est installé cet automne.

Temple de l’art africain

Vaisseau spatial ou ruche d’abeilles ? On hésite, bouche bée, sous les tonnes de béton et de verre de l’atrium de 27 mètres de haut. N’est-ce pas là, plutôt, une version sud-africaine de la Tate Modern ? Le studio londonien Heatherwick a transformé des silos à grains presque centenaires, creusant et vidant 42 de leurs tubes pour former une centaine de salles. Coiffé par un toit-terrasse de sculptures, le bâtiment se prolonge par l’hôtel The Silo dont seule la vue du rooftop vaut le détour – à moins d’aimer le kitsch. Le musée, lui, révèle le travail engagé d’artistes du continent africain et de la diaspora.

Son cofondateur Jochen Zeitz, ex-CEO de Puma, y dévoile une partie de sa collection personnelle dont le nombre total d’œuvres restera sous silence. Beaucoup de non-dits entourent ce musée et son fonctionnement. Mais ce flou artistique n’entrave pas la lecture des expositions témoignant de l’apartheid d’hier, des formes actuelles, de la quête d’identité, de la violence et des dictatures… La prise de position se veut parfois discrète et à fleur de peau comme ce mur de perles de culture, The Waves, réalisé par Liza Lou et une coopérative de femmes. Le parti pris devient plus frontal avec Nandipha Mntambo, du Swaziland, qui exhibe des peaux d’animaux avant de s’en couvrir sur des clichés. Ou encore lorsqu’elle mime un toréador dans une arène vide et oubliée, héritage de la colonisation portugaise. Reste la violence qui figure notamment dans les mises en scène de faux seigneurs de guerre photographiés par Kudzane Chiurai.

La fête des "Premiers Jeudis"

Loin du musée, la scène artistique chuchote de nombreuses critiques tout en saluant l’ouverture d’un tel musée, le premier de ce type en Afrique du Sud, voire du continent. Pourquoi célébrer l’art africain dans la plus européenne des villes d’Afrique ? Pourquoi avoir opté pour ce quartier, l’un des plus luxueux, pour y implanter un musée supposé être ouvert à tous ? Loin, très loin des townships… Des questions parmi d’autres qui se soulèvent lors de la fête des «Premiers Jeudis du mois», First Thursdays. À cette occasion, les galeries d’art du centre-ville restent ouvertes tard le soir ainsi que certains magasins à l’instar de Bastille, un morceau d’Hexagone habillant les hommes en mode française et branchée. L’événement mensuel est surtout l’occasion de se réapproprier l’espace public quelques heures, de flâner presque en toute légèreté comme dans toutes les autres villes. Car le soir, c’est connu, on évite encore de marcher seule au Cap.

La renaissance de Woodstock

Balade arty dans les rues du Cap

Parmi les meilleures galeries de la ville, citons Goodman Gallery, Stevenson Gallery ou encore Smac Gallery (en photo).

Dans un autre quartier, à Woodstock, on essaie aussi de changer la donne en réinvestissant de vieux bâtiments façon Brooklyn. On doit ce lent éveil à quelques promoteurs mais aussi à Justin Rhodes et Cameron Munro qui ont créé un rendez-vous hebdomadaire en 2006 avec le Neighbourgoods Markets, un marché fermier et de petits producteurs. Onze ans plus tard, ce marché reste la sortie des habitants et des touristes. De jeunes designers y proposent leurs dernières créations au milieu d’effluves de paëlla géante ou de notes d’un concert live. Le marché a pris ses quartiers dans The Old Biscuit Mill qui abrite boutiques, ateliers et bureaux et même The Test Kitchen, une table réputée.

Des entrepôts voisins s’offrent un nouveau souffle dont Woodstock Foundry et Woodstock Exchange. Justin Rhodes et Cameron Munro (encore eux !) y ont ouvert Superette, une cantine aux airs de dînette, à côté d’autres cafés, restaurants et petites boutiques dont le délicieux Honest Chocolat. À quelques pas de là, la galerie d’art WhatifTheWorld a posé ses cimaises dans une ancienne synagogue. Woodstock compte de nombreux espaces d’exposition qui méritent la traversée de ce no man’s land - tout en évitant certaines rues sur les recommandations des locaux. Parmi les galeries, les meilleures de la ville, citons Goodman Gallery, Stevenson Gallery ou encore Smac Gallery. Suivre cette balade arty, c’est s’offrir un avant-goût de Cape Town Art Fair qui aura lieu en février. La foire du Cap se hissera-t-elle au niveau de la foire de Miami ? Les paris sont lancés.

Y aller

Kuoni Émotions propose un séjour au Cap de 5 nuits avec petit-déjeuner à l’hôtel Belmond Mount Nelson à partir de 1850 € par personne (base en chambre double) incluant les vols aller-retour Paris-Cape Town sur Air France, les transferts aéroport-hôtel, et les services «Information voyage et Assistance à destination». Tél. : 01 55 87 82 50, www.kuoni.fr.

Plus d’infos :www.capetown.travel.

Balade arty dans les rues du Cap

Restaurants, cafés, shopping : les bonnes adresses du Cap

Où dormir ?

Belmond Mount Nelson Hotel

Les murs rose et la piscine du légendaire hôtel Belmond Mount Nelson.

Belmond Mount Nelson Hotel
Ouvert en 1899 pour accueillir les passagers de première classe d’une ligne maritime, cet hôtel mythique a vu défiler l’histoire avec un grand H devant ses yeux, au fil des guerres et de l’apartheid. Il a gardé la saveur de ces établissements d’un autre siècle où l’ambiance classique et rassurante est bousculée par des notes contemporaines au travers la décoration et des œuvres d’art. Outre ses restaurants, son spa et ses piscines, le high tea en mode dégustation est une expérience en soi. Idéal pour goûter au rooibos, cette racine qui ne pousse qu’en Afrique du Sud et qui aurait, dit-on, un pouvoir antioxydant. Une façon, aussi, d’apprendre les saveurs du thé noir, blanc, vert et rouge qui se marient à des desserts succulents.
Chambre double, à partir de 302 €, petit-déjeuner inclus.
Belmond Mount Nelson Hotel, 76 Orange Street. Tél. : +27 21 483 1000.

Où sortir et où manger ?

Orphanage Cocktail Emporium
Dans le centre-ville, ce bar à cocktails attire la jeunesse branchée et métissée de la ville.
Angle Orphan et Bree Street. Tél. : +27 21 424 2004. www.theorphanage.co.za.

La Tête
Des joues de porc à faire tourner la tête, des madeleines à damner ses souvenirs et ses lectures de Proust… Le nouveau restaurant de Giles Edwards n’a pas attendu longtemps pour être classé parmi le Top 20 des meilleures tables d’Afrique du Sud (2017 Eat Out Mercedes-Benz Restaurant Awards). C’est à 20 ans, lors d’un dîner chez St John à Londres qu’il décide sur le champ de devenir cuisinier. Il mettra huit ans à rentrer dans les cuisines de ce chef génial, Fergus Henderson, où il restera cinq ans avant de voler de ses propres ailes au Cap.
17 Bree Street. Tél. : +27 21 418 1299. www.latete.co.za.

Kloof Street House
On y va pour un café ou un lunch, voire un verre, le soir. On se pose sur la terrasse ou à l’intérieur, dans une décoration qui rappelle peut-être celle de la maison d’une grand-mère locale.
30 Kloof Street. Tél. : +27 21 423 4413. www.kloofstreethouse.co.za

Shopping

Corner Store
Sol-Sol, Twobop et Young & Lazy, trois marques de street-wear locales se sont associées pour ouvrir ce «corner store» à Woodstock. Elles racontent Le Cap à leur façon. Ainsi, Twobop (2Bop) s’inspire des jeux d’arcade des années 1980 et 1990 qui fleurissaient dans les épiceries. Ces jeux offraient une sorte de fenêtre sur le monde dans les quartiers difficiles à l’heure de l’apartheid.103 Sir Lowry. Tél. 021 811 0519.

Bo-Op
À Bo-kaap, un concept store qui rassemble des petites marques du cru aux produits colorés, ingénieux et sympathiques. Parmi eux, les lunettes de soleil durables Ballo, faites à Cape Town, en papier recyclé et bois stratifié avec résine bio.
102 Wale Street A l’angle de Wale Street et de Rose Street. www.bo-op.com.

Balade arty dans les rues du Cap

Comme la Maison Mara qui offre une sélection pointue de grandes marques internationales – dont beaucoup de Françaises – et quelques produits d’Afrique du Sud. La maison, à elle seule, vaut le détour.

Maison Mara
Dans le quartier branché De Waterkant, ce concept store de luxe offre une sélection pointue de grandes marques internationales – dont beaucoup de Françaises – et quelques produits d’Afrique du Sud. La maison, à elle seule, vaut le détour.
5 Jarvis Street. Tél. : +27 21 418 1600. www.maisonmara.co.za.

Lady Bonin’s Tea
Jessica Bonin a commencé son voyage «théiné» dans une caravane de 1975 qu’elle garait sur les marchés et dans les festivals pour y vendre ses mélanges de thés, tisanes, rooibos et honeybush. L’an dernier, elle a ouvert un bar à thé. À contre-courant de la café mania du monde entier.
213 Long Street. Tél. : +27 21 447 1741. ladyboninstea.com.

The Watershed
C’est sans doute l’un des endroits les plus touristiques de la ville mais The Watershed a l’avantage de rassembler plus de 150 stands de designers locaux. Idéal pour un souvenir créatif comme les sandales Galago à personnaliser soi-même.
Waterfront. www.waterfront.co.za.

Mabu Vinyl
Le son du Cap se trouve ici, dans ce temple du vinyle, de CD et de cassettes. On y écoutera, par exemple de la goema, cette musique locale au son unique et indéfinissable, jouée à l’origine par les indigènes sur des percussions en peau de chèvre, et qui, aujourd’hui se mêle au jazz. C’est aussi dans cette boutique qu’une grande partie du film Sugar Man fut tournée. Sugar Man, c’est Sixto Rodriguez, un musicien oublié (puis redécouvert) dont les albums furent un symbole de la lutte contre l’apartheid.
2 Rheede Street. Tél. : +27 21 423 7635. www.mabuvinyl.co.za.

En vidéo, les indispensables à voir au Cap

Découvrez toutes les adresses incontournables pour vous évader.

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